Littérature française

Adeline Dieudonné

Reste

illustration

Chronique de Aurélie Janssens

Librairie Page et Plume (Limoges)

Ah, l'amour ! Avec un grand « A », comme la première lettre du prénom d'Adeline Dieudonné. Cet amour qui nous fait perdre la tête, pour lequel nous serions prêts à tout ! À tout ? En êtes-vous sûrs ? La lecture de ce roman pourrait bien bousculer quelques certitudes en vous ! Attention émotions fortes garanties !

Il n'aura fallu qu'un seul roman, La Vraie Vie, pour que son nom circule sur toutes les lèvres des libraires et des lecteurs. Un second, Kérozène, pour confirmer son talent à peindre des vies avec lucidité, humour et une pointe de piquant. Alors l'attente était grande. Sur quels chemins escarpés allait-elle nous amener ? Adeline Dieudonné nous tend cette fois-ci une main qui caresse et frappe, droit au cœur. Nous prenons la route d'un chalet près d'un lac qui abrite les amours clandestines d'une femme et de son amant « M. ». Celui qu'elle « aime ». Ce secret qu'elle protège. Car dans cette relation, la narratrice est la maîtresse de cet homme. Une relation qu'elle chérit d'autant plus que son parcours d'amoureuse, d'amante, ne s'est pas toujours réalisé sans heurts. Quand ce n'était pas son cœur qui était meurtri, c'était son corps. Premier flirt, amant de passage, ex-mari : des prénoms, des histoires qu'elle raconte dans ses lettres. Une correspondance destinée à la femme de son amant. Pourquoi a-t-elle décidé de s'adresser à elle ? Pourquoi ces lettres ? Car lorsque le roman débute, M. vient de mourir. Un matin, il s'est levé, est allé nager dans le lac et, ne le voyant pas revenir, la narratrice a regardé par la fenêtre, a vu son corps flotter. Crise cardiaque. Soudaine. Brutale. La fin qui arrive d'une manière violente. Mais elle ne peut se résoudre à quitter son amant si vite, à laisser son corps aux mains des autres, à mettre fin à cette parenthèse enchantée, cette histoire pleine de vie, d'amour, de passion, de tendresse. Elle décide de garder son amant près d'elle, encore un peu, ce « un peu » qu'elle ne peut définir, qu'elle ne veut pas formuler. Elle veut pouvoir le garder pour lui dire au revoir correctement, être maîtresse de cet instant qu'on vous vole généralement, pressé par tout un tas d'obligations morales, éthiques, administratives. Un rituel bien rodé où l'on peine à trouver sa place. Durant ce moment qu'elle prolonge avec son amant, elle écrit cette relation pour mieux lui donner corps. Mais aussi sa vie passée, sa vie de femme, de mère, les doutes sur ses choix, le regard sur ce corps qui change et ne correspond peut-être pas à ce que l'on veut. D'une histoire d'amour et d'un drame, Adeline Dieudonné raconte avec justesse ce que l'on n'ose exprimer, le plus intime de l'intime, les tabous, les fantasmes, ce qui anime toute une vie, une vie intérieure, profonde, immense où les sentiments sont complexes. Un roman qui ne pourra sûrement pas laisser indifférent !

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