Littérature française

Thomas Vinau

La Part des nuages

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Chronique de Aurélie Janssens

Librairie Page et Plume (Limoges)

Combler l’absence par l’errance : physique, métaphysique, poétique. Un vaste et ambitieux programme qui, sous la plume d’un Thomas Vinau très en verve, devient léger, épuré, mouvant et protéiforme, comme un nuage.

Joseph vit seul avec son fils Noé. Sa femme l’a quitté pour un autre, pour refaire sa vie, pour voir si le quotidien était moins lassant ailleurs. Noé est resté vivre chez son père, beaucoup plus pratique, pour ne pas changer d’école, de chambre, continuer à deviner la forme des nuages, de la cabane dans le cerisier. Des moments de partage, des rires, des histoires inventées puisées dans l’inépuisable imagination infantile. Une routine perturbée lorsque, pour les congés, Noé part quelques jours chez sa mère. Joseph perd ses repères, les moments qui rythmaient sa journée. Il appelle la bibliothèque où il travaille pour annoncer qu’il ne viendra pas, une histoire de dos bloqué. Il n’arrive plus à voir un seul animal, un objet farfelu, un bonhomme dans les nuages. Et ça l’angoisse. Il erre dans la ville, rencontre un marginal, escalade une cathédrale en sa compagnie afin d’observer l’aube sur le monde, et revient se terrer dans la cabane avec une pile de Rahan, un cigare, des cacahuètes et sa tortue. Une douce léthargie mélancolique s’empare de lui. Il se laisse aller, boit, ne se lave plus, ne nettoie plus sa maison… à quoi bon. « Nous sommes la consistance des nuages. Et nos fragiles petites brumes deviennent du givre qui fond ». Le dernier roman de Thomas Vinau est constitué de ces « fragiles petites brumes » : de courts chapitres poétiques, des instants saisis au quotidien, transformés en moments de grâce. L’œuvre de cet écrivain se dessine, se précise un peu plus, un ton épuré et délicat qui nous touche au plus profond car il parle de nous, de nos sensations, nos sentiments, notre quotidien, et nous amène à regarder le monde qui nous entoure comme s’il était constitué de nuages dont il fallait deviner les formes et les contours pour mieux le saisir.

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