Littérature étrangère

Edgar Allan Poe

Nouvelles intégrales, t. 1 (1831-1839)

illustration

Chronique de Aurélie Janssens

Librairie Page et Plume (Limoges)

Sur la couverture, on voit ce portrait de Sophie Potié qui représente un Edgar Allan Poe chétif, sombre, sévère. Il ne manque que le corbeau et un bout de tombe pour parfaire le tableau.

Sans aller jusqu’à dire que Poe était un être délicieusement joyeux et parfaitement sain, il y a de nombreuses erreurs à rectifier concernant non seulement sa biographie mais aussi la perception que l’on a de ses œuvres. Dans une préface plus qu’éclairante, Christian Garcin et Thierry Gillyboeuf, les traducteurs, reviennent sur l’importance de la mythique traduction de Baudelaire et le cliché qui consisterait à dire qu’elle serait inexacte, plutôt ré-écrite que réellement traduite par le poète, ce qui en ferait une œuvre nouvelle très éloignée de son original. Ils lui rendent justice en expliquant que si poésie, style et ampleur il y a, c’est bien à Poe que l’on doit cela et non à une « surbaudelérisation » de la traduction. Ils considèrent néanmoins que, comme pour beaucoup de classiques, une nouvelle traduction présenterait l’intérêt de rectifier certaines erreurs ou contresens, ainsi que de la faire correspondre à l’évolution de la langue. Ce travail se reflète jusque dans leurs notes qui recontextualisent et éclairent de nombreux éléments. Car si l’œuvre de Poe peut parfois paraître obscure voire trop métaphorique, les traducteurs expliquent que ce n’est pas lié à une volonté ou une forme de folie de l’auteur, mais bien à un manque, pour le lecteur, de certaines clés qui pourraient lui permettre de mieux comprendre son sens. C’est aussi la première fois que les œuvres de Poe sont publiées dans leur intégralité (deux autres volumes suivront), de manière chronologique et non thématique, ce qui permet de n’en laisser aucune sur le côté et de constater le talent littéraire de l’auteur qui maîtrise aussi bien l’intrigue policière que fantastique mais aussi l’humour, le pastiche, le grotesque, facettes que l’on a parfois tendance à oublier. Plein de raisons, s’il en fallait, de se replonger avec délice dans l’œuvre de ce génie de la noirceur.

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