Essais
Toni Morrison
L’Origine des autres
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Toni Morrison
L’Origine des autres
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Christine Laferrière
Christian Bourgois éditeur
15/03/2018
110 pages, 13 €
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Chronique de
Aurélie Janssens
Librairie Page et Plume (Limoges) -
❤ Lu et conseillé par
8 libraire(s)
- Camille Hacquard de Aux vieux livres (Châteaugiron)
- Nicole Legrand de Graffiti (Castres)
- Aurélie Janssens de Page et Plume (Limoges)
- Delphine Demoures de des Halles (Niort)
- Sarah Gastel de Adrienne (Lyon)
- Magali Mohamed
- Anaïs Ballin de Les mots et les choses (Boulogne-Billancourt)
- Alexandra Villon de La Madeleine (Lyon)
✒ Aurélie Janssens
(Librairie Page et Plume, Limoges)
Le regard franc, droit, fier, Toni Morrison apparaît en couverture de L’Origine des autres telle qu’on l’imagine, la connaît. Une grande force au service d’un engagement de tous les instants. Pour expliquer, encore et encore, puisqu’il le faut, malheureusement, que l’Humanité ne se divise pas.
Dans cet ouvrage, le prix Nobel de littérature rassemble six conférences qu’elle a données à Harvard dans le cadre des Norton Lectures. Du nom de Charles Eliot Norton, homme de lettres américain, dont une chaire à Harvard porte le nom, ces conférences ont pour but d’amener un homme, une femme, de lettres, du monde des arts, à s’exprimer sur le sujet de son choix. Toni Morrison a toujours mis son talent et par la suite sa notoriété au service d’une cause qu’elle a vécu dans sa chair, la lutte contre le racisme. Un sujet toujours délicat, toujours d’actualité, aux États-Unis, bien entendu, mais dans le reste du monde aussi, où l’on assiste à une résurgence de mouvements nationalistes à caractère raciste. L’Autre n’a jamais été autant au cœur du débat, n’a jamais autant passionné les foules, exacerbé les convictions des deux côtés. Qu’il soit perçu comme une menace ou que l’on se batte pour lui reconnaître les droits auquel tout humain est sensé prétendre, l’Autre est-il un autre que soi ? Toni Morrison revient tout d’abord sur les questions de l’altérité puisqu’il fut une période, pas si lointaine, où des scientifiques voulaient classer les êtres humains par leurs caractéristiques dont la principale, la plus « visible » était la couleur de la peau. Une sorte d’échelle de valeurs, dont certains êtres humains se retrouvaient même exclus, avec des questions comme « cette tribu, cette race peut-elle être considérée comme humaine ? ». Néanmoins, Toni Morrison rappelle que ces questions n’appartiennent pas à l’Histoire, elle resurgissent encore, régulièrement. Selon elle, on ne naît pas raciste, sexiste. « Puisque personne ne naît raciste et qu’il n’existe pas de prédisposition fœtale au sexisme, on apprend à fabriquer l’Autre non par des conférences ou par une instruction mais par l’exemple. » Quel exemple ? Le discours véhiculé par la sphère proche, la famille, mais aussi les médias aujourd’hui ou encore la littérature, est important pour comprendre l’origine du racisme. Elle puise alors toute une foule d’exemples, dans la littérature américaine essentiellement, pour montrer les clichés, les discours véhiculés autour de l’Autre, du « noir », du « nègre » et la littérature sudiste en regorge ! Elle s’appuie aussi sur ses propres romans qui n’ont jamais cessé de dénoncer le traitement fait aux noirs aux États-Unis, ce racisme du plus ordinaire au plus violent. Ces conférences sont introduites par une brillante préface d’un jeune auteur qui reprend le flambeau de cette « colère noire », ce combat de chaque instant : Ta-Nehisi Coates. Si la relève est assurée du côté des combattants, on aimerait que le combat cesse, faute d’ennemis à convaincre, et que l’on accepte enfin que l’Autre n’est autre que soi. En attendant, Toni Morrison continue de nous donner avec talent, intelligence et générosité les armes pour combattre la haine et l’intolérance. Un bref ouvrage tout simplement indispensable.