Littérature étrangère

Gonçalo M. Tavares

Monsieur Walser

illustration

Chronique de Aurélie Janssens

Librairie Page et Plume (Limoges)

Un nouveau personnage au Bairro ! Dans ce quartier « grafico-littéraire » imaginé par Gonçalo M. Tavares comme un univers intime, vivent déjà messieurs Valéry, Calvino, Kraus et Brecht.

Le Bairro est un quartier inventé par Gonçalo M. Tavares, sorte de Panthéon personnel de ses inspirateurs, pour l’essentiel des écrivains qui, comme le montre un schéma placé aux premières pages, s’avèrent nombreux. Chacun des livres de l’écrivain portugais est l’occasion d’un hommage à ces auteurs, hommage rendu par le biais d’un court roman, sorte de fable ou de conte ayant toujours pour toile de fond une interrogation profonde : le rapport de l’homme au monde, à l’autre, à la nature, à la modernité. L’humour noir et l’univers tantôt léger, étrange ou décalé, permettent de mieux souligner la porosité des frontières entre raison et folie. Dans ce roman, M. Walser fait son entrée au Bairro… ou plutôt aux alentours du Bairro. En effet, Walser décide de s’installer au cœur de la forêt qui borde le quartier afin de profiter pleinement des paysages sauvages, des promenades solitaires au sein d’une nature luxuriante. La démarche entreprise par Walser ne doit toutefois pas être confondue avec celle d’un Thoreau : M. Walser n’est pas prêt à renoncer au confort. Dans ce but, il a fait construire une maison, pour lui la « conquête de la rationalité absolue », dans laquelle il se prépare à recevoir la joyeuse compagnie de ses amis. M. Walser prend possession de la maison après plusieurs mois de patience. Les murs sentent le neuf. Soudain, la sonnerie retentit à la porte d’entrée. Un plombier surgit en affirmant que le lavabo fuit. Cette bâtisse d’apparence si parfaite recèlerait donc des failles ? Dès lors un ballet d’ouvriers entre en scène, qui cassant un mur, qui enlevant des tuiles ou refaisant l’électricité. La maison neuve n’est plus qu’un vaste chantier au milieu duquel erre M. Walser, qui tente de donner des noms aux formes abstraites jaillissant des entrailles de sa demeure. Un petit bijou littéraire en forme de caricature drôle et cinglante, brocardant l’esthète qui s’isole du monde réel, mais est inexorablement rattrapé par celui-ci.

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