« L’identité nationale ». Débat houleux discuté il y a quelque temps sur l’initiative d’un ministre. Pour l’écrivain, poète et voyageur Éric Faye, ce terme a fait jaillir en lui une interrogation profonde : qu’est-ce qui nous définit ? Un pays, un territoire, une langue, des origines ? Plutôt que d’y réfléchir assis à son bureau, il a pris le parti, lors de voyages à travers le monde, de chercher à savoir d’où il ne venait pas. Se confronter à l’Autre, à sa langue inconnue, se perdre au cœur de contrées parfois inaccessibles, devint une nécessité. Il revint les bagages chargés de rencontres, de souvenirs, de réflexions, de descriptions de paysages magnifiques, de très belles photos (qui ornent les chapitres de cet ouvrage), qui lui permirent de tenter de se définir, de dessiner les contours d’une identité, d’une profession qui, à défaut d’être celle de « rêveur au long cours » comme il l’aurait souhaité, sera pour notre plus grand bonheur, celle de « piéton du monde ».
Page — Puisque ce recueil parle d’identité, de définition, comment peut-on le définir ? Est-ce un roman, un récit de voyage, des méditations ?
Éric Faye — À mon éditeur, je parle de mes livres « libres » et ils sont peu : Mes Trains de nuit, Nous aurons toujours Paris, et maintenant Somnambule dans Istanbul. Ce sont des livres écrits sans la moindre contrainte, pour renouer avec le pur plaisir des mots. Aucune contrainte véritable de construction, aucune volonté de démonstration. Je suis comme un pêcheur qui attend au fil de l’eau que les souvenirs « mordent ». Et si l’un d’eux me paraît signifiant, appelle quelques lignes d’écriture, alors je le garde. Je dirige sur lui ma loupe. Ce sont des livres de pêcheur à la ligne : assis à l’ombre, dans un coin agréable, à attendre. Il faut de la patience, donc du temps, et, au bon moment, le réflexe de noter une formule, de se mettre à la table d’écriture parce que ça « vient ». Alors, comment définir autrement ces livres ? Méditations, effectivement. Récit de voyage aussi, bien sûr. Roman, sûrement pas. Il n’y a pas de fiction, sinon la fiction induite par le « mentir vrai » propre à la déformation opérée par le temps sur nos souvenirs.
RETROUVEZ L’INTÉGRALITÉ DE CET ENTRETIEN EN PAGE 68 DU N° 162 DE VOTRE REVUE PAGE DES LIBRAIRES