Littérature étrangère

Gunnar Kaiser

Dans la peau

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Chronique de Aurélie Janssens

Librairie Page et Plume (Limoges)

La bibliophilie est une quête permanente, quête du livre ultime, celui qui apaiserait pour toujours cette soif qui semble pourtant inextinguible. Est-ce une pathologie ? Normalement, non, mais parfois…

Lorsqu’elle devient obsessionnelle au point de conditionner une vie, ses relations, ses pratiques et nous amène à commettre des actes répréhensibles, alors oui, on peut sûrement parler de pathologie. C’est sous ce thème de l’obsession malsaine pour les livres que se place le premier roman de l’auteur allemand Gunnar Kaiser. Il réussit le tour de force d’y mêler une grande sensualité, une séduisante érudition, un roman d’apprentissage passionnant et des notes de thriller savamment dosées. Tout commence en 1969 à New York, durant l’été. Un étudiant en littérature, Jonathan Rosen, va faire la rencontre du mystérieux dandy Joseph Eisenstein alors qu’il convoite une jeune fille dans un bar. Se met alors en place un rituel sulfureux : pendant que Jonathan découvre la sensualité et ses premiers émois avec les filles dans l’appartement de Joseph, celui-ci, dans l’ombre, observe. Entre ces moments de plaisir physique, Jonathan découvre aussi les plaisirs esthétiques et spirituels de conversations sur l’art, la littérature, la musique avec son mentor. Mais plus son esprit se forme, plus l’appétit grandit et plus les tensions montent et les doutes apparaissent. Qui est réellement Eisenstein ? D’où vient-il ? Que fait-il lorsqu’ils ne sont pas ensemble ? Il faudra pour cela remonter dans le passé de Joseph, découvrir son enfance, son adolescence dans une Allemagne où la montée du nazisme donne à la vie quotidienne une impression de chaos imminent, surtout lorsqu’on s’appelle Eisenstein. Pourtant, ce n’est pas à la naissance d’une victime que nous allons assister, bien au contraire ! Un premier roman entre Le Parfum de Süskind, pour cette quête insatiable, et Hannibal Lecter, pour l’érudition malsaine et sulfureuse. Sombre, vibrant et passionnant.

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