Littérature étrangère

Fiona Kidman

Comme au cinéma

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Chronique de Aurélie Janssens

Librairie Page et Plume (Limoges)

De livres en livres, Fiona Kidman nous fait découvrir la Nouvelle-Zélande. Et si le pays se situe, pour nous, de l’autre côté du globe, tout n’est pas si dépaysant dans ses romans. Les paysages, les situations changent, mais les histoires familiales qu’elle raconte nous sont proches, intimes.

Irene Sandle est une jeune femme qui vient de perdre son mari, aviateur, juste avant la fin de la guerre. Elle se retrouve jeune veuve avec une petite fille à charge, Jessie, et sans emploi, car le poste de bibliothécaire qu’elle occupait avant la guerre a été attribué à une autre personne. Elle se résout à quitter Wellington pour trouver du travail dans un champ de tabac. Elle occupe un cabanon avec sa fille et travaille de longues heures harassantes. C’est loin d’être le nouveau départ dont elle rêvait, mais elle a un toit sur la tête et à manger le soir dans son assiette. Assez rapidement, la jeune femme attire les regards des hommes. Elle cède d’abord aux avances de Bert Butcher mais il succombe à un tragique accident. Elle décide finalement d’épouser Jock Pawson, le gérant de l’exploitation pour qui elle nourrit peu de sentiments, mais qui saura lui assurer un avenir. De cette union naîtront trois enfants supplémentaires : Belinda, Grant et Janice. On pourrait s’attendre à un clap de fin heureux. « Comme au cinéma. » Mais ce n’est que le point de départ de ce roman qui va suivre, durant près de cinquante ans, la fratrie, après la mort précoce d’Irène. Jessie, plus âgée, a quitté la maison, mais son frère et ses sœurs doivent composer avec ce père peu aimant et sa nouvelle femme, sorte de marâtre digne des plus terribles contes de fées. Chacun n’aura qu’une hâte, pouvoir quitter cette maison hostile et construire sa propre vie. Mais leurs parcours seront semés d’embûches. Janice va devoir fuir un compagnon violent, changer de ville, d’identité, vivre avec la peur qu’il ne la retrouve. Dans cette fuite, elle rencontrera heureusement des personnes bienveillantes. Belinda se retrouve mère d’un enfant dont elle ne veut pas révéler le nom du père. Malgré l’éloignement, chacun conserve une tendresse particulière envers les autres et, même si les instants où ils sont amenés à se recroiser se font rares, on sent une grande force dans leurs liens. Dans cette saga familiale, Fiona Kidman dépeint, avec beaucoup de justesse et d’amour pour ses personnages, les membres de cette fratrie. Elle s’attarde sur les menus détails qui composent une existence, ces événements, ces émotions qui restent, qui marquent bien plus que des photos. Fidèle à ses convictions, elle dresse le portrait de femmes fortes et lumineuses malgré les épreuves qu’elles auront à surmonter. Et l’on dévore ce livre comme un bon film dont on ne voudrait pas voir s’afficher le mot « Fin ».

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