Littérature étrangère
Graham Swift
J’aimerais tellement que tu sois là
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Graham Swift
J’aimerais tellement que tu sois là
Traduit de l’anglais par Robert Davreu
Gallimard
19/04/2013
401 pages, 23,90 €
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Chronique de
Aurélie Janssens
Librairie Page et Plume (Limoges) -
❤ Lu et conseillé par
5 libraire(s)
- Elyne Bonnet de Maison du livre (Rodez)
- Jean-Luc Aubarbier
- Aurélie Janssens de Page et Plume (Limoges)
- Isabelle Theillet de l'École nationale des chartes - PSL (Paris)
- Alain Belier de Lucioles (Vienne)
✒ Aurélie Janssens
(Librairie Page et Plume, Limoges)
Tout commence dans une chambre de l’île de Wright. Sur le lit est assis Jack. À ses côtés, un fusil. Au loin, le ciel est gris, la mer déchaînée. Puis Graham Swift raconte. Non pas une tragédie, mais une vie banale où l’intime se mêle à l’Histoire, le silence aux bruits, la vie au tombeau.
Dans les années 1970, Jack, fils de Vera et Michael Luxton, grandit sur l’exploitation familiale, dans le Devon, entre l’odeur de la bouse et les herbes folles. Enfant unique jusqu’à 8 ans, c’est au péril de sa vie que sa mère accouche de son frère, Tom. Les deux enfants se construisent dans cet environnement gris et taiseux où les non-dits et la mélancolie coulent dans leurs veines comme la bière dans les gosiers des hommes au Crown, le pub local, le jour du Souvenir. Dans la ferme voisine, Ellie se retrouve seule avec son père, Jimmy, lorsque sa mère Alice s’enfuit avec un « homme-mystère ». Ellie et Jack se connaissent depuis l’enfance et la naïve complicité des jeux d’autrefois s’est muée en sentiments profonds. Un été, Jack et Tom partent en vacances avec leur mère. Jack envoie une carte à Ellie avec ces seuls mots « J’aimerais tellement que tu sois là ». Dès lors, cette phrase résonne dans tout le roman qui devient roman de l’absence. Un à un les proches disparaissent. D’abord Vera, puis Michael, Alice, Jimmy et enfin Tom. Maladie, suicide, « mort au combat »… Même les troupeaux sont abattus lors de la crise de la vache folle. Plus que la mort, c’est l’absence qui imprègne, qui sature chaque parcelle de ce paysage où ne résonne plus que l’écho des souvenirs. Ellie pousse Jack à vendre leurs fermes respectives à de riches familles qui les transforment en « maison de campagne ». Tous deux s’installent sur l’île de Wright où ils acquièrent un parc de caravanes. Dans ce roman où les sentiments sont malmenés par une écriture juste et lumineuse, la chronologie éclate, se morcelle. Les secrets, les silences et les non-dits se font assourdissants sous la plume d’un des écrivains anglais les plus talentueux de sa génération. Un roman âpre et poignant.