Littérature étrangère
John Irving
Avenue des mystères
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John Irving
Avenue des mystères
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Josée Kamoun et Olivier Grenot
Seuil
06/05/2016
528 pages, 22 €
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Chronique de
Aurélie Janssens
Librairie Page et Plume (Limoges) -
❤ Lu et conseillé par
6 libraire(s)
- Geneviève Gimeno de Maupetit (Marseille)
- Jean-Luc Aubarbier
- Camille Hacquard de Aux vieux livres (Châteaugiron)
- Marjolaine Cauquil de Murmure des mots (Brignais)
- Aurélie Janssens de Page et Plume (Limoges)
- Thomas Auxerre de L'Amandier (Puteaux)
✒ Aurélie Janssens
(Librairie Page et Plume, Limoges)
Un orphelinat, un père absent, des personnages à la sexualité trouble, la conscription, une prostituée... autant de thèmes qui vous sont familiers si vous êtes un habitué des romans de John Irving. Mais ce magicien sait aussi tout renouveler d’un coup de crayon.
Lorsqu’on lit un roman de John Irving, on est comme un funambule avec un harnais. Il y a la zone de confort, les thèmes qui lui sont chers, et, malgré tout, la peur du vide, le vertige mêlé d’excitation de découvrir dans quelle nouvelle aventure il nous emmène. Le héros, Juan Diego, est un écrivain de 54 ans. Né d’une prostituée – qui fait aussi le ménage chez les jésuites – et d’un père inconnu, il a été élevé dans une décharge avec sa sœur Lupe, dont lui seul comprend le langage et qui semble manifester un don d’extralucidité. Malheureusement, Juan Diego a une faiblesse cardiaque qui l’oblige à prendre des bêta-bloquants. Or, ces médicaments ont plusieurs effets indésirables : ils l’empêchent de rêver, de se souvenir, et d’avoir des érections correctes. Si pour les érections, la prise de Viagra semble palier ce trouble, pour les rêves et les souvenirs, lorsqu’on est un écrivain et qu’on se sert de ce matériau pour écrire, c’est plus problématique. Désormais à la retraite, il se rend à Manille pour honorer la promesse faite à un gringo hippie des années auparavant. Durant son voyage et sur la route de ses souvenirs, qu’un oubli dans son traitement fait resurgir, on croise Miriam et Dorothy, mère et fille, sortes de succubes fascinantes et étranges, Flor, un transsexuel, Edward, un jésuite américain et homo portant des chemises fleuries, des pères jésuites, un cirque et sa troupe… La claudication qui handicape Juan Diego est à l’image de ce roman : il avance en tanguant, lui donnant un air à la fois drôle et touchant. Car Irving aime profondément ces personnages étranges, ces situations décalées, ces aventures picaresques qui flirtent avec le réalisme magique, et on ressent cet amour euphorique à chaque page, on se laisse embarquer avec une confiance aveugle dans ce roman joyeux et perturbant.