Littérature étrangère
Chinelo Okparanta
Sous les branches de l’Udala
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Chinelo Okparanta
Sous les branches de l’Udala
Traduit de l'anglais par Carine Chichereau
Belfond
23/08/2018
384 pages, 22 €
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Chronique de
Aurélie Janssens
Librairie Page et Plume (Limoges) -
❤ Lu et conseillé par
9 libraire(s)
- Geneviève Gimeno de Maupetit (Marseille)
- Christine Lemoine de Violette and co (Paris)
- Aurélie Janssens de Page et Plume (Limoges)
- Brice Vauthier de L'Étagère (Saint-Malo (Paramé))
- Florence Reyre de Du côté de chez Gibert (Paris)
- Isabelle Verlingue de Nicole Maruani (Paris)
- Eve Bohu de Chimère (Chatillon)
- Margaux Leclerc de des Canuts (Lyon)
- Agnès Brangier de CE MAIF (Niort)
✒ Aurélie Janssens
(Librairie Page et Plume, Limoges)
De nombreux pays dans le monde condamnent encore l’homosexualité. Passibles d’emprisonnement, les homosexuels peuvent aussi être traqués et tués sans procès. C’est le cas au Nigeria. Afin de porter la voix de ceux dont la vie est plus que jamais en péril, Chinelo Okparanta offre un premier roman-manifeste bouleversant.
Le roman débute dans les années 1970, dans ce qui était alors le Biafra. Ijeoma, une jeune fille, perd son père dans un bombardement. Elle se retrouve seule avec sa mère qui n’a pas de ressources pour l’élever. Elle est alors placée chez des amis de la famille, comme cela pouvait se faire alors. Elle devient leur domestique contre un logement, de la nourriture et la promesse de pouvoir faire des études. Alors qu’elle doit aller faire des courses, elle rencontre une autre jeune fille, Amina, qui semble ne plus avoir de famille. Dans ce chaos permanent, les enfants qui courent les rues sont nombreux. Ijeoma obtient de sa famille d’accueil qu’Amina puisse rester près d’elle. Assez rapidement, une attirance, qui va bien au-delà de l’amitié, naît entre les deux jeunes filles. Mais dans un pays divisé entre deux religions qui condamnent l’homosexualité (catholique et musulmane), cette relation est totalement interdite. La mère d’Ijeoma – qui a su entre-temps se trouver une petite maison et une boutique lui procurant un petit revenu – récupère sa fille et passe des semaines à lui faire apprendre par cœur des lignes de la Bible condamnant l’homosexualité. Avec cette « ré-éducation », Ijeoma comprend qu’il vaut mieux rentrer dans le rang. Malgré les tentations, malgré les rencontres qui lui laissent entrevoir un futur possible qui n’irait pas à l’encontre de sa nature, elle essaie de taire cette dernière, épouse son ami d’enfance, fonde une famille, conformément à ce que l’on attend d’elle. Elle a beau donner le change, à l’intérieur, Ijeoma est profondément malheureuse et sait que cette situation finira par la détruire. D’un roman qui pourrait n’être qu’une succession de drames, Chinelo Okparanta tire un récit profondément lumineux où l’espoir est encore permis. À travers l’histoire d’Ijeoma, elle entend bien attirer la lumière sur les conditions dans lesquelles survivent les homosexuels au Nigeria, traqués, pourchassés, lapidés, brûlés, emprisonnés : une véritable chasse aux sorcières au nom de la religion. Si elle est née au Nigeria, cette jeune romancière vit désormais aux États-Unis et entend bien mettre sa liberté d’expression au service de ses combats contre toutes les formes d’oppressions. Ce premier roman ambitieux est porté par un véritable souffle romanesque : on est plongé dans ce pays, son Histoire, ses légendes, sa langue, ses odeurs, ses couleurs. Un voyage doux-amer dont on ne ressort pas indemne.