Littérature étrangère

Claire Fuller

Terre fragile

illustration

Chronique de Aurélie Janssens

Librairie Page et Plume (Limoges)

Claire Fuller excelle dans la peinture de portraits intimistes, souvent dans une Angleterre rurale. Si L'Été des oranges amères était caniculaire, avec Terre fragile, on sent la pluie qui mouille jusqu'aux os.

Julius et Jeanie sont des jumeaux de 51 ans. Ils vivent très modestement avec leur mère, Dot, dans un cottage. Ils travaillent la terre, vendent quelques légumes à l'épicerie locale et, de temps en temps, Julius complète leurs revenus en travaillant quelques jours sur des chantiers. Lorsque le roman commence, Dot décède subitement. En plus du deuil, Julius et Jeanie vont devoir faire face à des soucis importants. Le début d'une longue chute. Ils découvrent les frais importants pour l'enterrement de leur mère. On leur réclame des loyers impayés alors qu'ils pensaient qu'un arrangement avait été conclu entre Dot et le propriétaire du cottage, après la mort suspecte de leur père. Les dettes s'accumulent, ils se font expulser. Petit à petit, ils perdent pied. À ces malheurs s'ajoutent des découvertes surprenantes. Il semblerait bien que Dot leur ait caché de nombreux secrets. De ceux qui remettent toute une vie en question, qui auraient pu modifier des trajectoires. Heureusement, dans cette suite de malheurs, Julius et Jeanie découvrent aussi que leur mère avait de nombreux amis prêts à aider les jumeaux, à leur rendre service pour remonter la pente. Terre fragile est une histoire terrible et émouvante. Celle de grains de sable qui deviennent des rochers à pousser. Des épreuves auxquelles n'importe qui peut se retrouver confronté : le deuil, la pauvreté. Mais c'est aussi un formidable roman de résilience, de solidarité, d'amour fraternel, de courage (celui d'accepter les mains tendues), de dignité. On oscille entre l'âge d'or de la peinture anglaise pour ses descriptions de lieux et ses portraits intimes et touchants, et Ken Loach ou les frères Dardenne pour le récit social, la pauvreté, la débrouille, quand il ne reste que les pommes de terre et la pluie.

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