Littérature étrangère

Sôseki

Oreiller d’herbe

illustration

Chronique de Linda Pommereul

Librairie Doucet (Le Mans)

est l’un des grands chefs-d’œuvre de la littérature japonaise, même s’il reste méconnu. Avec cette nouvelle traduction des éditions Picquier, c’est l’occasion de découvrir un grand manifeste de la création artistique.

Sôseki, l’auteur de Je suis un chat (Gallimard), est considéré comme le plus grand écrivain de l’ère Meiji. Son œuvre, qui s’imprègne des traditions nipponnes, s’ouvre à l’Occident, ce qui fait toute son originalité et sa modernité. Oreiller d’herbe est sans conteste son chef-d’œuvre, même si Je suis un chat reste un classique pour comprendre la société japonaise grâce à la description du quotidien d’un professeur désabusé, à travers le regard ironique et caustique de son chat. Une nouvelle traduction, mais surtout une trentaine de peintures issues d’une édition de 1926 sont reproduites ici. Délicates, les couleurs sont chatoyantes, elles donnent une autre dimension au texte de Sôseki. « Un peintre se retire dans les montagnes pour peindre, pour se reposer, mais surtout pour faire le point sur son art. » Ce texte inclassable, un « roman-haïku », comme le nommait Sôseki, représente une des réflexions majeures sur la place de l’art dans la société. Oreiller d’herbe est avant tout une œuvre poétique dédiée à la contemplation. Pour s’isoler du monde et se soustraire au tumulte de la société, notre peintre s’installe dans une auberge abandonnée depuis longtemps par les visiteurs. Seulement quelques habitués sont restés et vont lui permettre de relancer sa réflexion, notamment une femme qui le fascine car elle est victime d’une malédiction. Représentation du mythe d’Ophélie, il va tenter de lui rendre hommage par l’art. Le roman fait alterner monologue intérieur et magnifiques descriptions de paysages qui changent au rythme des saisons. Manifeste poétique, essai, roman, quête spirituelle, Oreiller d’herbe est un texte singulier et magnifique, qui ouvrira « de nouveaux horizons à la littérature », prédisait Sôseki en l’écrivant.

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