Littérature étrangère

Nell Leyshon

La Couleur du lait

illustration

Chronique de Linda Pommereul

Librairie Doucet (Le Mans)

Je souhaite à mon coup de cœur de la rentrée le même succès que Certaines n’avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka (10/18). La Couleur du lait est un texte viscéral, une confession terrible.

À 15 ans, Mary est la plus jeune d’une fratrie de quatre filles. Elle est peu considérée par sa famille qui voit en elle un fardeau supplémentaire à cause de sa jambe boiteuse. Elle subit la violence d’un père tyrannique et l’indifférence d’une mère qui pense que le bonheur n’existe pas et que toute émotion est une faiblesse qu’il faut absolument réprimer. Ainsi que tout le reste de la famille, elle passe ces journées à travailler jusqu’à l’épuisement. Quand le pasteur Graham propose de la prendre au service de sa femme pour lui tenir compagnie, le père accepte sans hésiter d’échanger sa fille contre de l’argent. Mary est heureuse d’échapper à ce quotidien fait de labeur et de réprimandes, pourtant, elle éprouve de la peine à quitter sa maison. Le récit s’ouvre sur cette période où elle rencontre, notamment, l’épouse du pasteur, une femme douce et fragile qui va lui apprendre la bienveillance et l’amour de soi. Mais cela ne suffira pas. Mary est une jeune fille résignée et mélancolique, à l’esprit vif mais qui s’enferme dans une solitude peu propice à son épanouissement. Elle apprend à lire et à écrire, fait notable pour une jeune fille de sa condition sociale. Pendant un an, Mary vit au rythme de la famille, de la bonté de Madame Graham, des regards parfois étranges du pasteur et des exactions du fils qui pense que les servantes sont des jouets. Elle assistera d’ailleurs au viol de sa sœur. Le destin s’acharne sur Mary quand l’épouse du pasteur décède. Elle voudra même retourner chez elle, dans cette maison où personne ne l’attend, excepté son grand-père, un homme bon qui la protège. Seule, sans soutien, Mary subira les humiliations du pasteur… jusqu’au dénouement tragique. Nell Leyshon réalise un travail d’orfèvre en composant un texte éprouvant, mais porté par la figure lucide et magnifique de Mary. Un texte vibrant qui résonne encore longtemps une fois le livre refermé.

Les autres chroniques du libraire