Littérature étrangère

Eddy L. Harris

Le Mississippi dans la peau

✒ Linda Pommereul

(Librairie Doucet, Le Mans)

En 2016, Eddy L. Harris décide de refaire le voyage qui a marqué sa vie : la descente du Mississippi en canoë. Plus âgé, plus sage aussi, l’occasion de faire un bilan. Le fleuve a changé, le pays a changé, l’homme aussi.

En octobre 1986, Eddy L. Harris s’élançait en canoë pour faire la descente du Mississippi. Ce voyage donnera lieu deux ans plus tard à Mississippi Solo, publié aux éditions Liana Levi en 2020. Fin août 2016, il tente à nouveau l’exploit. Quand il décide de partir la première fois sans expérience dans un canoë de location, c’est parce qu'il n'a pas « trouvé meilleur endroit pour prendre le pouls de l’Amérique qu’en son centre, le long du Mississippi. » Un voyage de plusieurs milliers de kilomètres, haut en couleur, dans les paysages sublimes de cette Amérique sauvage. Le grand fleuve nourrit ce récit, les dix États traversés déploient nature sauvage, terres agricoles, mégapoles bruyantes, petites villes à l’abandon à cause de la désindustrialisation et des emplois délocalisés. En trente ans, le fleuve a changé, l'homme aussi. Ce périple, outre la performance physique est la rencontre d’un homme avec son pays, déçu par les deux mandats de Barack Obama, amer devant ce constat que le racisme est ancré en profondeur aux États-Unis. Eddy L. Harris est un conteur qui a su restituer l’essence de cette aventure humaine. Les mésaventures seront nombreuses mais balayées par l’optimisme et une certaine dose d’autodérision. Les rencontres récompensent à elles seules son expédition, de cette femme qui partage un bol de soupe et lui donne des vêtements chauds, à l’apparition du pélican d’Amérique de retour sur le territoire. Un récit humaniste où l’humeur de l’auteur vagabonde, apprécie ces instants de solitude. Un récit écologique qui sublime cette nature imprévisible, parfois dangereuse. Il nous raconte ce bonheur d’être seul sur l’eau. Un récit pour témoigner, pour exprimer la parole des pauvres, des Indiens, des esclaves… Un texte engagé en même temps qu’une leçon de courage et de tolérance.

 

Les autres chroniques du libraire