Littérature étrangère
Austin Ratner
As-tu jamais rêvé que tu volais ?
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Austin Ratner
As-tu jamais rêvé que tu volais ?
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Edith Ochs
Calmann-Lévy
21/08/2013
336 pages, 19,90 €
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Chronique de
Linda Pommereul
Librairie Doucet (Le Mans) -
❤ Lu et conseillé par
2 libraire(s)
- Laurence Behocaray de I.U.T. Carrières sociales, Université (Tours)
- Jean-Pierre Maillet de La Parenthèse (Beaupréau)
✒ Linda Pommereul
(Librairie Doucet, Le Mans)
Un premier roman d’une grande maîtrise tour à tour fascinant et émouvant par un jeune romancier surdoué. À mi-chemin entre la biographie et la fiction, As-tu jamais rêvé que tu volais ? est l’histoire incroyable de Philippe Halsmann, photographe juif accusé à tort du meurtre de son père dans les années 1930.
As-tu jamais rêvé que tu volais ? est un roman tout en retenue et en finesse. Magistral. Écrit dans un style ample et fluide, ce récit d’une grande sagesse est d’une simplicité trompeuse. L’histoire s’inspire d’une histoire vraie, celle du célèbre photographe Philippe Halsmann, accusé injustement du meurtre de son père quand il avait 22 ans. En 1928, Philippe Halsmann part en randonnée avec son père dans les Alpes autrichiennes. Celui-ci fait une chute et meurt des suites de ses blessures. Son fils est arrêté. Il va subir un procès où l’accusation ne lui laisse aucune chance. Victime de l’injustice d’un système judiciaire gangrené par la montée du nazisme et, malgré le soutien d’Einstein ou de Freud qui se portent garants de sa personne, il est condamné à quatre ans de prison. Pendant ces quatre années, il vit l’enfer. Accablé et dépressif, il veut se suicider à plusieurs reprises. Seul le soutien de sa fiancée et la mobilisation de célébrités le sauveront. Libéré en 1931, il s’exile et quitte définitivement l’Autriche pour la France. À Paris, il croise des romanciers comme Gide ou Malraux ainsi que les surréalistes qui soutiennent ses travaux. Devenu photographe indépendant, il connaît ses premiers succès. En 1940, il fuit la France et l’arrivée des nazis pour s’installer aux États-Unis où sa carrière prend un nouveau tournant. Dans la tradition des romanciers biographes, Austin Ratner s’est beaucoup investi dans la recherche. Il s’est documenté, s’est imprégné des faits, a lu les journaux et les archives autrichiennes de manière à restituer les événements au plus près. D’ailleurs, son texte est habité par l’âme de Philippe Halsmann. Le lecteur affronte avec lui les épreuves et la douleur de l’incarcération, autant qu’il partage son bonheur de l’amour retrouvé et sa résurrection par la création artistique. Page après page, le récit évolue et son personnage principal aussi. L’auteur dit la difficulté de vivre et de se réaliser après avoir subi l’opprobre d’une condamnation quand on est innocent. On pénètre dans son intimité, on découvre les lieux qu’il aime, les parfums qui l’enchantent, son succès qui grandit. Austin Ratner décrit avec grâce et délicatesse ce passage de l’ombre à la lumière. Halsmann devient l’un des photographes les plus doués de son époque. Célébré et reconnu pour sa technique du jumping, photographier les personnes en mouvement, il fait la une de Time ou de Life magazine. Plus encore, derrière ce magnifique hommage se profilent les grands bouleversements qui vont modifier l’humanité à jamais. L’arrivée d’Hitler au pouvoir, l’antisémitisme croissant et l’angoisse des premiers grands conflits géopolitiques. As-tu jamais rêvé que tu volais ? n’est pas seulement l’histoire à la fois terrible et sublime de Philippe Halsmann, pas seulement la chronique d’un monde en pleine transition, c’est aussi, surtout, la peinture d’un homme assez fort pour réaliser son destin malgré les traumatismes et l’humiliation. Une note d’espoir et l’occasion de (re)découvrir un photographe de génie.