Littérature étrangère

Beatrice Salvioni

La Malnata

illustration

Chronique de Linda Pommereul

Librairie Doucet (Le Mans)

Porté par deux héroïnes rebelles et sensibles, La Malnata est un roman d’émancipation, une ode à l’amitié et à la liberté de choisir. Un texte viscéral et poétique qui porte haut les valeurs de la loyauté et du courage.

La Malnata de Beatrice Salvioni, qui paraît aux éditions Albin Michel, est publié simultanément dans plus de vingt-huit pays. Un phénomène littéraire pour une voix unique, celle d’une auteure de 26 ans qui, de sa plume vive et intense, nous dessine une amitié adolescente dans l’Italie fasciste des années 1930. Aussi brillante conteuse que ses compatriotes Silvia Avallone ou Elena Ferrante, Beatrice Salvioni se glisse dans les méandres d’un torrent qui emporte, dans ses flots agités, les destins de Francesca et Maddalena, la « Malnata ». Beatrice Salvioni fait les présentations dans l’urgence d’une scène d’une rare intensité. Deux jeunes filles, dont l’une a été agressée, cachent le corps d’un homme sans vie. Ces premières pages marqueront de leur empreinte l’ensemble du roman, notamment par la caractérisation de la violence dévastatrice et crue qui sonne tout au long de ce texte comme une déflagration. Elles se sont rencontrées un an auparavant. Francesca, la fille discrète du chapelier, est fascinée par la Malnata qui n’est pas du genre à baisser les yeux. Orpheline, libre, un peu sorcière, elle est l’incarnation d’une Madeleine sacrifiée sur l’autel de l’hypocrisie sociale et des bonnes mœurs. Beatrice Salvioni, dans ce récit enflammé, nous parle d’honneur, de réputation, de trahison et d’illusion. Mais elle ne s’arrête pas là. Elle compose de beaux portraits masculins, comme celui de Noé, sauveur malgré lui mais si courageux pour défendre un idéal. Et comment ne pas évoquer les silences du père de Francesca qui subit la montée du fascisme et la duplicité de sa femme ? Ce père qui porte sur sa fille la bienveillance d’un homme qui a choisi de la laisser grandir. Beatrice Salvioni signe un roman hors du commun où la beauté de la langue éclaire avec force et pudeur un roman d’apprentissage plein de sensibilité et d’intelligence.

Les autres chroniques du libraire