Polar

Javier Calvo

Le Jardin suspendu

✒ Linda Pommereul

(Librairie Doucet, Le Mans)

À la lecture du Jardin suspendu, le temps suspend son envol et Javier Calvo nous plonge dans un thriller politique et apocalyptique. Un texte captivant qui a pour cadre l’Espagne post-franquiste des années 1970 ensanglantée par une vague d’attentats.

J’ai découvert l’œuvre de Javier Calvo avec la lecture des Lunes de Barcelone (Le Livre de Poche), un polar gothique brillant qui prenait la forme d’une exploration hallucinée des bas-fonds de la ville où le romancier nous mettait sous tension entre horreur et ironie. Stupéfiant d’acuité, Le Jardin suspendu est un ovni littéraire, un roman coup de poing porté par une plume acide. Barcelone, 1977. La ville est plongée dans l’obscurité suite à la chute d’une météorite. Dans cette Espagne post-franquiste qui tente de sortir d’un passé tourmenté et de trouver un équilibre politique durable, des terroristes d’extrême gauche préparent un attentat. La chute commence. S’approprier l’univers de Calvo, c’est verser dans un monde fait de noirceur et de violence où chacun combat pour sa propre survie. Calvo guide le lecteur dans une aventure hors du commun dont il ne ressortira pas indemne. Métaphore d’une politique en pleine transition, la météorite donne une ambiance d’apocalypse à ce monde sans repères. Les personnages de Calvo sont surprenants et ajoutent une dimension fascinante et décalée à l’intrigue. Tandis que les terroristes se donnent des noms de personnages de Grimm et planent sous acide au son de Blondie, ils sont pris en chasse par Aristide Lao, un agent secret génial mais asocial qui cherche à démanteler leur cellule, notamment grâce à un agent infiltré. La confrontation sera terrible. Javier Calvo saisit la complexité de cette Espagne en proie à d’intenses bouleversements, mais poursuivie par ses vieux démons. Le réalisme de l’écriture et des situations reflète la cruauté d’un monde abandonné soumis aux doutes et confronté à son destin. Roman politique, Le Jardin suspendu explore une société meurtrie par la dictature et rongée par le secret. Un livre unique, violent, inexorable, d’un fatalisme et d’une puissance qui le rendent d’autant plus exceptionnel.

 

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