Littérature étrangère

Jason Hazeley , Joel Morris

Le Monde merveilleux de la gueule de bois

illustration

Chronique de Aurélie Janssens

Librairie Page et Plume (Limoges)

« Le monde merveilleux » des adultes ! Les éditions 10/18 ont décidé de nous faire rire et d’apporter un peu de couleur dans cette grisaille hivernale, mais aussi période propice à la nostalgie, avec les fêtes de fin d’années. Et si l’humour et le passé pouvaient se marier à merveille sous la forme de petits livres aussi beaux que passionnants ?

Lorsque nous étions enfants, nos parents, bienveillants, commençaient souvent leurs phrases par « quand tu seras grand », suivis de moult conseils ou avertissements. Du métier que l’on fera plus tard, au véhicule que l’on conduira, en passant par notre façon d’élever nos propres enfants, tout était sujet à réflexions et leçons de vie. Nos parents souhaitaient faire de nous les meilleurs adultes du monde. Selon l’époque à laquelle vous êtes nés, vos parents se sont même peut-être aidés de magnifiques manuels où des images aux tons colorés représentaient cette famille idéale. Le mari y fumait la pipe dans le jardin, confortablement installé dans un rocking-chair, charentaises aux pieds, pendant que Madame, en jupe et tablier, parfaitement brushée et manucurée, lançait une balle à un bébé joufflu, culotte courte, sur une couverture à carreaux. Ces petits manuels, les « Ladybird Books », véritables succès des années 1960 et 1970, expliquaient à l’aide d’illustrations et d’un discours basique, d’un langage simple, le monde merveilleux des adultes aux enfants. J. Hazeley et J. Morris, deux jeunes auteurs talentueux et très drôles, écrivant initialement plutôt pour la télévision et la radio, ont eu accès à la base d’images des ces Ladybird Books. Plus de 11 000 illustrations vintage et autant de sources d’inspiration pour nous raconter ce « monde merveilleux » des adultes de manière complètement décalée. Ainsi, les trois premiers ouvrages de cette collection nous expliquent les « mondes merveilleux » du mari modèle, de la crise de la quarantaine et de la gueule de bois. On y apprend par exemple que si les femmes aiment lire des romans sentimentaux, le mari modèle préférera des histoires vraies et des romans virils, « ce qui lui sera très utile s’il doit un jour aller sur la Lune, devenir membre d’un commando ou entraîner l’équipe de France de football ». On y apprend aussi qu’à 40 ans, l’homme décide de s’offrir différents véhicules improbables (décapotable, moto, vélo de course…), et la femme d’exercer de tout aussi improbables passe-temps (Pilates, livres de coloriage pour adultes, yoga bikram, ou encore irrigation platonicienne). Et que sur un coup de tête on peut tout faire, mais on ne sait pas toujours vraiment pourquoi. De même, lors d’une soirée très arrosée entre amis, on peut se retrouver à faire tout un tas de choses dont nous n’avons plus souvenir le lendemain (parfois fort heureusement). Les seuls maux que l’on pourra alors soigner seront ceux de tête et d’estomac. Quant à la dignité, oubliez-là, elle a disparu entre deux et trois heures du matin. Allez, les enfants, le monde des adultes est merveilleux car imparfait, voire complètement absurde, bourré de contradictions, mais tellement drôle si on le regarde de manière décalée. C’est en cela qu’il vaut la peine d’être vécu. Et surtout, surtout, ne suivez aucun conseil qu’ils n’arrivent pas à suivre eux-mêmes.

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