Littérature française

Jonathan Littell

Une vieille histoire

illustration

Chronique de Stanislas Rigot

Librairie Lamartine (Paris)

Avec son récit d’apparence répétitive, orchestré tout autant que déréglé avec brio, Une vieille histoire se déploie de l’intérieur et enserre son lecteur pour mieux le questionner le long d’un redoutable voyage.

Douze années après Les Bienveillantes (Folio), Jonathan Littell revient sur le devant d’une scène qu’il n’avait jamais vraiment désertée (citons entre autres ses Carnets de Homs chez Gallimard ou son film Wrong elements sur les enfants soldats). Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas choisi la facilité avec ce roman à l’approche désarçonnante. Jugez plutôt. Un personnage nage dans une piscine, s’en extrait, revêt un survêtement, ouvre une porte et se met à courir dans un couloir nécessitant son attention car jamais vraiment rectiligne, couloir vraisemblablement en intérieur. Il court jusqu’à ce qu’il heurte une poignée ; il appuie sur celle-ci, ouvre la porte et se retrouve dans « un jardin familier ». La scène qui suit est la première d’une série de cinq scènes que le personnage (homme ? femme ? les deux ? enfant ?) va vivre, scènes successives qu’il reliera en courant dans un couloir et en ouvrant une porte après avoir découvert une poignée. Au bout de la cinquième scène, il regagnera la piscine. Dans chacune de ces histoires, des motifs vont revenir, de manière assez récurrente pour que le lecteur tente de dessiner différents liens sans jamais que le récit ne donne un semblant d’explication. Et lorsque la seconde partie débute et que notre personnage sort de la piscine, les scènes vont se présenter à nouveau, jamais les mêmes mais jamais différentes, les échos entre les scènes se démultipliant avec les échos de la partie précédente. Et le texte de devenir littéralement hypnotique, porté par une langue d’une fluidité souvent désarmante, une langue à la poésie chirurgicale, à la violence parfois sourde, parfois explosive, à la sexualité aux multiples déclinaisons, la narration n’ayant de cesse de détailler encore et toujours nos rapports à l’autre, les fondements d’une humanité malmenée.

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