Littérature française

Grégoire Bouillier

Le Syndrome de l'Orangerie

✒ Sarah Gastel

(Librairie Adrienne, Lyon)

Et si Les Nymphéas de Monet n’étaient pas ce qu’ils prétendaient être ? Se transformant en détective privé, Grégoire Bouillier mène l’enquête et livre un roman magistral sur l’art et la vie.

En se rendant au musée de l’Orangerie, conquis d’avance, le regard orienté par « les lunettes que les mots nous chaussent », comme « nymphéa », « 1914 », « impressionnisme » ou « chef-d’œuvre », Grégoire Bouillier est pris d’une angoisse. L’éblouissement tant attendu n’a pas lieu. Endossant à nouveau le costume de son inspecteur Mbore, un brin loufoque, l’auteur, persuadé que Les Nymphéas cachent un secret, se livre alors à des investigations. Il se demande pourquoi Monet a peint 400 nymphéas pendant trente ans et d’où lui vient cette obsession pour cette plante aquatique et exotique. Débute une folle et passionnante enquête, entre rebondissements, découvertes enthousiasmantes et chausse-trappes, pleine de digressions caractéristiques de l’écriture de l’auteur et dont il se moque avec malice. De Giverny au Japon, en passant par Auschwitz-Birkenau, Grégoire Bouillier, qui ne cesse de voir dans la réalité un réseau de coïncidences et qui tente de cerner « son syndrome de l’Orangerie », comme certains sont atteints du syndrome de Stendhal, livre une rétrospective subjective de la vie du peintre. L’on y découvre les amours de celui qui a été en guerre contre l’art officiel de son temps, l’importance de son séjour à Londres où se construit le premier cercle des Impressionnistes, dont il deviendra le chef de file, ses amours, la perte de son fils et celle du cristallin de ses yeux, ainsi que sa passion pour la botanique. À cette plongée dans la vie de Monet, l’auteur mêle une réflexion fascinante sur l’art, tout en incriminant sa marchandisation. Que voit-on d’un tableau alors que l’on ne nous a jamais appris à voir avec les yeux ? Une œuvre d’art exprime-t-elle toujours le contexte dans lequel elle a été créée ? Un livre littéralement impressionnant, drôle et exaltant.

Les autres chroniques du libraire