Littérature étrangère

Hisham Matar

Mes amis

✒ Sarah Gastel

(Librairie Adrienne, Lyon)

Mes amis, contant l’histoire de trois amis libyens expatriés en Grande-Bretagne, est un chef-d’œuvre de littérature contemporaine, qui explore la façon dont l’exil nous fait nous asseoir d’un côté de notre cœur.

En mars 1980, dans la cuisine familiale de Benghazi, Khaled, âgé de 14 ans, écoute une nouvelle radiophonique qu’il n’oubliera jamais. Trois années après, le jeune homme, frappé par le pouvoir des mots, quitte son pays natal pour poursuivre des études de littérature à Édimbourg, grâce à une bourse du gouvernement. Il laisse son père, professeur d’Histoire obsédé par l’Histoire politique du monde arabe, sa mère et sa sœur Souad.  Sa vie estudiantine suit son cours. Mais le jour où il manifeste devant l’ambassade libyenne à Londres, sa destinée bascule à nouveau. Trente ans plus tard, tiraillé par la distance qui le sépare de ses proches, Khaled, désormais implanté dans la capitale londonienne, principale foyer de l’intelligentsia arabe en exil dans les années 1990, revisite, le temps d’une promenade dans les rues londoniennes, sa vie, ses amours et ses amitiés essentielles avec Hossam et Mustafa, jusqu’à ce que les Printemps arabes puis la révolution en Libye mettent à l’épreuve leur amitié. Est-ce que vivre, c’est agir ou laisser les choses se faire ? Quel est le poids de l’Histoire sur nos vies ? Après La Terre qui les sépare (Gallimard, 2017), récit autobiographique dans lequel il recomposait la vie de son père disparu sous la dictature de Kadhafi, et Un mois à Sienne (Gallimard, 2021), réflexion sur l’art, Hisham Matar renoue avec la forme romanesque avec Mes Amis. Tout en explorant l’Histoire de son pays, il revient sur des thèmes qui lui sont chers comme la distance mystérieuse qui existe entre ce que nous pensons et la façon dont nous agissons, la quête du père ou encore le retour sur la terre des origines. Subtil, grave et sublime, ce roman, que je porte en moi comme une maison à l’intérieur de ma poitrine, bâtit une forme de réconciliation avec le monde.

Les autres chroniques du libraire