Littérature étrangère

John King

White Trash

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Chronique de Emmanuelle George

Librairie Gwalarn (Lannion)

D’une actualité troublante, avec pour toile de fond le démantèlement des services sociaux britanniques, White Trash, le deuxième roman de John King au Diable Vauvert, est très noir, voire même glaçant. Garanti sans moraline !

D’un côté, Ruby est une infirmière pétillante et altruiste, « une bonne fille avec un grand cœur », disent d’elle nombre de patients. Toujours affable et patiente, elle « adore voir les gens se remettre sur pied, reprendre des forces », elle aime voir le meilleur en chacun et en toute circonstance. Pour elle, l’hôpital est un lieu de vie sociale, une sorte de microcosme de la société qui, bien que chaotique réserve le même accueil à chacun et où chacun a quelque chose à apporter. De l’autre, « Môoosieur » Jeffreys, consultant en milieu hospitalier à qui « il incombe de surveiller la distribution des fonds et d’aider à guider les ressources là où elles sont le plus nécessaires », s’occupe à la fois des patients et du personnel… à sa façon. Arrogant, élitiste, cynique, il doit côtoyer, bien malgré lui, des concitoyens des classes populaires (des white trash, des « déchets » paresseux, alcooliques, violents, ignorants, drogués, etc.) Responsable des ressources et des dépenses (« la santé de l’hôpital repose sur ses épaules »), il applique une politique de nettoyage social terrifiante, une manière pour lui de rétablir un système de classes qui a disparu. « En bas de l’échelle hiérarchique, les infirmières et les travailleurs auxiliaires sont plus difficiles à convaincre. Il explique cela par leur mauvaise éducation, les spécialistes ont tendance à venir de meilleurs milieux et sont plus à même de contrôler leurs émotions ». Aussi, on l’aura compris Ruby et M. Jeffreys, si différents, ne sont pas faits pour s’entendre. Et c’est dans ces conditions que ce roman social noir et satirique devient tout à fait trépidant et mordant. Sans concessions, d’une actualité troublante sur la fracture sociale, ce texte est puissant, émouvant, parfois glaçant, absolument attractif jusqu’à la dernière page, fascinant d’acuité et remarquable de maîtrise. En un mot : indispensable !

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