À l’occasion d’un concours de pâtisserie en Angleterre, cinq candidats sont en lice pour rivaliser de talent, d’ingéniosité et de sang-froid. Pourtant, derrière leurs masques de cordons bleus, chacun d’eux a du mal à digérer son passé, à savourer son présent et à concocter des projets d’avenir. Jenny est plus seule que jamais depuis qu’elle n’a plus d’enfants à la maison et que son mari la délaisse. Claire est mère célibataire. Vicky veut plus qu’être une mère au foyer. Karen vise la perfection en tout et Mike affronte un terrible deuil. Chacun trouvera néanmoins, au cours de cette compétition, une occasion de réfléchir à sa propre recette, sinon du bonheur, du moins du mieux-être. Ponctué par l’histoire poignante et les conseils avisés de Kathleen Eaden, une pâtissière célèbre des années 1960, ce roman est un vrai délice, tant au niveau psychologique que culinaire. Bien plus qu’une friandise à consommer sans modération, ce roman sur l’amour de la cuisine et des saveurs est un feel-good book bien moins sucré qu’il n’y paraît.
Page — Comment vous est venue cette idée de roman ?
Sarah Vaughan — L’idée de ce livre m’est venue en cuisinant avec mes enfants. Je me suis demandée pourquoi j’investissais tant d’émotions dans la préparation de ces gâteaux. Sans doute, parce que j’espère que cela peut faire de moi la meilleure des mères.
P. — Quelle place la cuisine, et la pâtisserie en particulier, occupent dans votre vie ? Quels sont vos péchés mignons ?
S. V. — La cuisine est au cœur de ma vie de famille. C’est une façon de montrer à mes proches que je les aime. Je cuisine donc chaque jour et je prépare des pâtisseries une ou deux fois par semaine. Mon péché mignon, c’est le chocolat, spécialement le chocolat noir. Je le trouve addictif. Il est donc vraiment préférable que j’essaie de ne pas en manger. Pour cette raison, j’aime aussi les desserts à base de fruits, comme la tarte au citron dont je parle dans mon roman. Ce sont des pâtisseries si délicieuses et rafraîchissantes. En Grande-Bretagne, nous ne sommes pas aussi talentueux que vous pour préparer des desserts avec de la crème pâtissière. J’ai le sentiment que si je vivais en France, je choisirais des desserts de ce genre. Mais j’essaierais aussi de faire comme les Françaises et de n’en manger que rarement, juste comme un petit extra pour que cela reste un plaisir.
P. — Vos personnages féminins sont très justes et très attachants. Quel(s) personnage(s) préférez-vous et pourquoi ?
S. V. — Le personnage dont je me sens la plus proche et pour lequel j’ai beaucoup de sympathie c’est Kathleen Eaden, je la vois comme une femme contrainte par le rôle public qu’elle s’est évertuée à créer. Comme elle, j’ai aussi eu du mal à être enceinte pour mon premier enfant, mais je n’ai pas autant souffert qu’elle. Pourtant je sais ce que c’est qu’être obsédée par la maternité et obnubilée par l’idée de mener à terme sa grossesse. Je me sens également proche de Vicki. Comme elle, j’ai mis de côté une vie professionnelle – comme grand reporter pour le journal The Guardian – afin d’être mère au foyer. Et même si j’adore mes enfants, j’ai eu du mal à m’adapter à cette nouvelle vie.
P. — La féminité dans son ensemble – être fille, amante, mère, amie… quel programme ! –, tout comme le féminisme, sont des préoccupations qui varient selon les époques et les cultures. Dans votre roman, en Angleterre de nos jours, on a le sentiment d’osciller entre les années 1960 et aujourd’hui. Pensez-vous que la place et le rôle des femmes dans les sphères privée et publique ont évolué dans le bon sens ? Comment voyez-vous l’avenir de nos filles ?
S. V. — Je trouve que le rôle des femmes et leur place dans la société se sont considérablement améliorés, surtout depuis les années 1960. Les progrès sont multiples. Parmi de nombreux exemples, je citerais la banalisation de la pilule contraceptive, le renforcement de la protection de l’enfance et les changements dans la législation du travail, comme les indemnités pendant le congé de maternité. Au regard des avancées sociales, tout laisse à penser que nous pouvons être en mesure de choisir quand nous aurons nos enfants. Il est devenu possible de concilier nos choix personnels avec nos carrières professionnelles. Toutefois, il faut bien constater aussi qu’il est encore très difficile pour les femmes de tout concilier. À moins d’être bien épaulée, notamment par un compagnon et des parents disposés à nous soutenir en cas de difficultés. Malgré tout, on peut aussi avoir le sentiment d’être perdante. Car nous continuons aussi à nous soumettre à une immense pression en tâchant de remplir chaque rôle le plus consciencieusement possible. Des compagnes, des mères, des amies, des filles, toujours attentives, toujours prévenantes à la maison, dans notre intimité, tout en continuant à travailler. Pour la génération de ma fille, j’aimerais que ce soit la norme pour les hommes et les femmes de partager l’éducation des enfants, à condition qu’ils le veuillent bien et sans que cela entrave leurs vies professionnelles. Mais je ne suis pas vraiment optimiste. Je pense que l’aspect biologique de la maternité signifie que la plus grande part de responsabilités incombera encore longtemps aux femmes.
P. — Quels sont vos conseils et ingrédients pour une recette du bonheur ?
S. V. — Cela peut sembler un lieu commun, mais mon conseil est d’être bienveillant avec soi-même et les autres. Leur dire que vous êtes à leur côté, que vous les aimez, que vous les appréciez. Et surtout ne pas être dur avec soi-même. En tant que perfectionniste, cela m’a pris du temps de réaliser que la perfection est impossible. Mais une fois que j’ai admis cette idée, j’ai été beaucoup plus heureuse.