Littérature française

Lola Gruber

Horn venait la nuit

✒ Jean-Baptiste Hamelin

(Librairie Le Carnet à spirales, Charlieu)

Roman ample et ambitieux, Horn venait la nuit, est une œuvre portant au plus haut ce désir de fiction qu’affectionne l’autrice et où le destin n’emboîte pas toujours idéalement les pièces du puzzle de ses personnages.

Lola Gruber a réalisé un travail important de recherches autour d’un plan rigoureux afin que ce roman puisse développer, sur plusieurs décennies, le destin complexe d’une femme dans une Europe centrale ballottée par les guerres et les heurts de l’Histoire. Ce pavé, si délicatement, si précisément écrit, raconte la vie d’Ilse Küsser, née dans l’entre-deux guerres, à Bratislava, qui devra, en raison d’une chute, abandonner la gymnastique pour le théâtre, ses coulisses et le métier de décoratrice. La beauté de la langue de Lola Gruber explore avec sentiments les moindres recoins de ce théâtre : hymne à l’art et pages superbes. Sa brève rencontre avec Horn, juif hongrois rescapé des camps et hommage à Samuel Beckett, bouleversera sa vie. En parallèle et de nos jours, Simon Ungar, en rupture de travail et de cœur, se décide, sans préparation, à partir en Hongrie pour découvrir un peu plus la vie de sa famille paternelle, les Ungar. Cocasse départ d’un détective en herbe qui brillera par sa naïveté dans un pays où la vérité n’est pas simple à cerner. Lola Gruber s’amuse de Simon. Le lecteur également. Les pièces de ce puzzle s’emboîtent difficilement tant la réalité est peu fiable, les évidences trompeuses, tant ces pays issus de l’Empire austro-hongrois ont des choses à camoufler, tant leurs Histoires sont labyrinthiques. De trahisons en mémoire défaillante, en traductions erronées, l’enquête de Simon et l’histoire d’Ilse réservent bien des surprises au lecteur. Avec Horn venait la nuit, Lola Gruber explore les genres littéraires de la fiction, du polar et du roman historique. Ambitieux et abouti, ce roman se mérite, s’offre et se dévoile peu à peu, nimbant d’un voile de mystère ses personnages ambigus. Une très belle réussite et une magnifique photo en couverture.

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