Littérature étrangère

Sayed Kashua

La Deuxième Personne

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Chronique de Jean-Baptiste Hamelin

Librairie Le Carnet à spirales (Charlieu)

Sayed Kashua est Israélien et Arabe, de cette minorité dans un Moyen-Orient morcelé par de minuscules enclaves, il est entre deux, ni vraiment l’un ni franchement l’autre : témoin pertinent il est un formidable romancier.

Journaliste au franc parler grinçant, et scénariste à succès d’une série pour la télévision israélienne Travail d’Arabe, son arme est celle de l’humour, de cet humour noir qui fait mouche, qui tourne en dérision ces populations qui ne peuvent, ne savent ou ne veulent cohabiter. Il est connu, reconnu, haï ou adoubé (chevalier des Arts et des Lettres) pour son travail. Ce roman La Deuxième Personne est tout cela. Le roman des absurdités quotidiennes, des appartenances religieuses ou territoriales, et finalement de la quête, celle d’une identité, quête si peu aisée dans des pays qui en manquent cruellement. Un avocat, Arabe citoyen d’Israël, vivant dans le quartier chic, celui des étrangers, menant une vie ostensiblement clinquante, entouré de ses semblables, découvre un soir la jalousie, celle dévorante du mari trompé, jaloux à l’excès de sa femme qu’il n’aime pourtant plus. Sayed Kashua est caustique, d’une drôlerie désespérante lorsqu’il décrit avec minutie son avocat et son mode de vie dictée par l’apparence sociale de sa situation : le choix de telle voiture, de tel quartier. Entre alors en scène le “coupable”, un jeune Arabe du village de Tira. Étudiant il va devenir garde de nuit d’un handicapé israélien, Yonatan dont il va peu à peu usurper l’identité. Persuadé que ses origines arabes pèsent comme un fardeau sur sa réussite sociale, il veut devenir israélien. Le roman sera le chassé-croisé de ces deux personnages qui se questionnent, qui recherchent leur propre identité, leur propre chemin dans un pays constellé de barrages. Sayed Kashua, avec tendresse, virulence et lassitude, dresse le portrait de deux hommes prisonniers de leur société et de leur naissance.

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