Littérature étrangère

Nam-Joo Cho

Kim Jiyoung, née en 1982

illustration

Chronique de Juliet Romeo

Librairie La Madeleine (Lyon)

En six étapes de la vie de Kim JiYoung, Cho Nam-Joo dresse le portrait-robot de la femme d’aujourd’hui en Corée. Entre fiction et documentaire, un texte fort destiné à toutes et à tous.

Kim JiYoung est mariée, maman d’une petite fille, femme au foyer. Un jour, elle se met à parler avec des voix et des paroles différentes, celles de femmes de son entourage, vivantes ou décédées. Pour comprendre comment elle en est arrivée là, sa vie va être retracée en six chapitres correspondant à six périodes de sa vie. Six périodes charnières, de l’enfance à la maternité, en passant par les rencontres et le travail. Et peu à peu se dévoilent les injonctions faites aux femmes, les humiliations, les violences quotidiennes. Le récit est parsemé de statistiques propres à la Corée sur la condition des femmes. Mais, ce qui marque profondément ce texte, c’est l’universalité du propos. Même si nous ne partageons pas toutes les mêmes différences salariales, les mêmes statistiques de natalité, les mêmes espérances de vie, nous partageons toutes ces difficultés quotidiennes, nous partageons toutes ces souffrances, nous partageons toutes ces agressions liées à notre sexe. Le style méthodique et distancié de Cho Nam-Joo amène une seconde réflexion, pour le moins universelle. Celle de l’acceptation de notre condition. Celle de la servitude volontaire. Parce que nous avons pris l’habitude d’accepter les remarques sur, au choix, l’horloge biologique, le décolleté, la vaisselle, la jupe plutôt que le pantalon. Et cela dès notre plus jeune âge. Parce que nous acceptons souvent les règles du jeu. Même si le temps nous amène vers plus de libération de la parole, force est de constater que la somme sur toute une vie de ces faits, que l’on pourrait considérer comme anecdotiques, dessine une société inégalitaire contre laquelle il est difficile de lutter. Sauf à prendre conscience, à travers ces lignes, de la prison dans laquelle notre société enferme les femmes.

Les autres chroniques du libraire