Littérature française

Le confinement selon Catherine Mavrikakis

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✒ Juliet Romeo

(Librairie La Madeleine Lyon)

Quand l’espionnage rencontre la littérature, Catherine Mavrikakis nous propose un récit en forme de huis clos où chaque habitant devient un personnage de roman. Entre références littéraires, analogie à Anne Frank et suspense insoutenable, L’Annexe frôle le polar littéraire pour notre plus grand plaisir.

Anna est une espionne qui passe son temps libre dans la maison d’Anne Frank à Amsterdam. À la suite d’une erreur lors d’une mission, elle est envoyée dans une maison de protection, surveillée par l’inquiétant Celestino et va côtoyer d’autres espions ou personnalités protégées par l’Organisation. Elle ne peut plus sortir et sa seule fenêtre sur l’extérieur va devenir, sur insistance de Celestino, la littérature. En lui proposant différents ouvrages, ce dernier va la guider dans ce nouveau monde fermé. Ses colocataires vont devenir des personnages de roman et les différents thèmes des romans qu’elle va lire vont lui permettre de comprendre ce qui se passe dans la maison. L’Annexe est une sorte de polar littéraire. Le lecteur plonge avec Anna dans une enquête étrange et inédite. Si les indices sont parsemés dans les pages, avec les nombreuses références littéraires et les conseils de l’inquiétant Celestino, l’issue ne sera jamais évidente. Et Catherine Mavrikakis évite de plonger dans le spectaculaire grâce à son écriture soyeuse et délicate. Les phrases coulent naturellement dans la torpeur de l’enfermement. Cette forme d’immobilisme que subit Anna et le lecteur ouvre toutes les portes à l’imagination. Si on ne voit rien, on peut tout se permettre. Et si Anna a évincé la littérature de sa vie pour ne pas avoir la tentation de sortir de son monde, la lecture va devenir un besoin vital et une possibilité de s’évader. Catherine Mavrikakis maîtrise avec brio le huis clos. Que ce soit dans L’Annexe, ou dans Deuils cannibales et mélancoliques, son premier roman qui ressort en parallèle, elle parvient à plonger le lecteur dans un univers dont il ne ressortira pas indemne. Deuils cannibales et mélancoliques évoque la mort et les morts. Ils s’appellent tous Hervé et meurent pour la plupart du Sida. Catherine, la narratrice, les accompagne dans la mort par ses souvenirs, ses réflexions, ses discussions avec les autres vivants. Elle est peuplée de ces morts qui l’accompagnent au quotidien. Le huis clos a lieu ici dans la tête de la narratrice. La mort devient une obsession, elle est partout, elle se devine, elle se cherche, elle saute à la figure. Et Catherine se nourrit de la mort. Récit parfois glauque, parfois éprouvant, parfois drôle, ces Deuils cannibales et mélancoliques invitent à réfléchir sur son propre rapport à la mort et aux morts. Ces deux romans de Catherine Mavrikakis se complètent et offrent aujourd’hui un univers de réflexion indispensable sur la place de chacun dans notre monde.