Littérature étrangère

Stefan Brijs

Taxi Curaçao

illustration

Chronique de Guillaume Chevalier

Librairie Mot à mot (Fontenay-sous-Bois)

À Curaçao, dans les années 1960, un jeune et brillant garçon tente de sortir de sa condition par les études. Mais les origines sociales et ethniques ne s’effacent jamais dans une société figée au temps des colonies.

Curaçao, petite île des Antilles néerlandaises, 1961. Max a douze ans, il est noir et issu d’un milieu modeste. Fils d’un chauffeur de taxi irresponsable et hâbleur, et d’une mère courageuse vivant de petits boulots, il est poussé par son père à intégrer l’école de frère Daniel, membre d’une congrégation religieuse, instituteur et narrateur de cette histoire. Très vite, Max démontre des capacités intellectuelles supérieures à la moyenne et rêve rapidement de devenir lui aussi instituteur. Frère Daniel se prend d’affection pour le jeune garçon et l’encourage à poursuivre ses études. Mais Roy, le père de Max, personnalité aussi toxique que charismatique, décide que son fils reprendra son activité de taxi. De plus, la vie à Curaçao, ancienne colonie du royaume des Pays-Bas devenue indépendante, est toujours marquée par les rapports de domination hérités du système colonial : l’élite de l’île reste très majoritairement blanche et possède l’essentiel des richesses. La conjonction des barrières sociaux-économiques et de la farouche opposition de son père empêcheront Max de sortir de sa condition. Mais pas d’espérer un autre destin pour son propre fils, Sonny. Depuis les années 1960 jusqu’au milieu des années 1980, cette histoire suit trois générations d’hommes essayant chacun à leur manière de se forger une vie meilleure. Au néo-colonialisme des années 1960 succède l’essor du néo-libéralisme et de la société de consommation. La soif d’acquérir remplace les idéaux révolutionnaires d’émancipation. Si le contexte évolue, le poids des déterminismes reste lui, immuable, et les protagonistes de cette histoire voient leurs ambitions s’écraser contre des forces inébranlables. Avec ce livre au croisement du roman social et de la saga familiale, Stefan Brijs nous offre l’un des récits les plus émouvant de cette rentrée.

Les autres chroniques du libraire