Polar

Philip Kerr

Les Ombres de Katyn

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Chronique de Guillaume Chevalier

Librairie Mot à mot (Fontenay-sous-Bois)

Une fois de plus, Philip Kerr démontre avec talent sa maîtrise parfaite de l’Histoire du Troisième Reich. L’intrigue est haletante, les dialogues sont incisifs, la vérité historique respectée. Bernie Gunther est de retour. Pour le meilleur.

En mars 1943, le Reich vient de subir sa première véritable défaite à Stalingrad et il est urgent pour les nazis de retourner l’opinion internationale contre l’URSS. Fort à propos, à Smolensk, ville russe sous occupation allemande, ces derniers soupçonnent l’Armée rouge d’avoir exécuté des milliers de Polonais puis de les avoir enfouis dans la proche forêt de Katyn. Le capitaine Bernie Gunther, membre du Bureau des crimes de guerre, y est envoyé par Goebbels pour confirmer la culpabilité des Soviétiques sous le haut parrainage d’un comité neutre d’experts internationaux. Mais très rapidement, les morts s’accumulent et les intrigues politiques obligent Gunther a un numéro d’équilibriste des plus dangereux… Car oui, Bernie Gunther n’est pas un héros. Certes il déteste les nazis, mais il est avant tout préoccupé par sa survie. Son ambivalence, la complexité de ses sentiments, ses réactions parfois glaciales face aux atrocités de la guerre, voilà le coup de maître de Philip Kerr. Gunther sonne vrai, Gunther à l’air authentique. On imagine aisément que beaucoup d’Allemands aient pu nourrir la même aversion que lui pour le nazisme, tout en évitant soigneusement de faire quoi que ce soit qui pourrait les mettre réellement en danger. Ce personnage tout en nuances, désabusé face aux horreurs de l’Histoire, mais qui tente, à sa manière, de nuire à Hitler, fait du roman de Kerr une réussite totale. Grinçant, une réplique cynique toujours au bord des lèvres, le capitaine Gunther traverse la guerre parce qu’il est rusé et pragmatique, manipulateur même. Les Ombres de Katyn fait partie de ces polars historiques qui se sont émancipés de leur simple rôle de divertissement pour devenir également d’excellents romans sociaux et sociétaux.

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