Littérature française

Jean-Baptiste Andrea

Dyade

Entretien par Guillaume Chevalier

(Librairie Mot à mot, Fontenay-sous-Bois)

Dans l’Italie des années 1920, Mimo et Viola se rencontrent et ne se quitteront presque plus. Leur épopée romanesque entraînera ces deux personnages hors du commun à se questionner sur le sens de leur vie et sur ce lien si particulier qui les unit. Un bijou d’aventure, de finesse et de grâce.

D’où vous est venue l’idée de ce livre ?

Jean-Baptiste Andrea - Une image d’un film de Paolo Sorrentino m’a donné une bouffée d’émotions et l’envie d’écrire sur l’Italie, pays de ma grand-mère. Ce film m’a procuré une vision qui, par association d’idées, m’a donné l’idée du roman. Mais d’une image à un roman, il y a beaucoup de travail et j’ai mis un an pour commencer à écrire ce livre.

 

Votre livre s’ouvre sur un Mimo âgé, aux portes de la mort. Il est aussi question d’une statue, cachée dans les sous-sols d’une abbaye, invisible aux yeux du public alors qu’elle est de toute évidence extraordinaire.

J.-B. A. - Le roman s’ouvre effectivement sur un mystère. Une sculpture est cachée au regard du monde par le Vatican et on ne sait pas pourquoi. Le livre est l’histoire de la conception de cette statue et de sa signification. C’est un voyage vers la révélation de ce secret à travers cette grande relation entre Mimo et Viola.

 

La relation de Mimo et Viola est le fil rouge de votre roman. Quel est le ciment de leur histoire commune ?

J.-B. A. - Tous deux n’auraient jamais dû se rencontrer. Ils sont le total opposé l’un de l’autre, que ce soit socialement ou par leurs ambitions et leurs rêves. Ce qu’il y a entre eux ne s’explique pas vraiment. Mais il n’y a rien de plus beau qu’une histoire d’amour sinon impossible du moins difficile. J’ai constaté que toutes les histoires de mes romans partent de mon premier amour à qui je n’ai jamais avoué mes sentiments. Cette histoire inachevée, je la développe dans mes livres. Mais pour Veiller sur elle, j’avais envie d’étirer cet amour contrarié jusqu’à l’âge adulte et voir où cette histoire pouvait aller.

Pourquoi avoir choisi un contexte historique pour votre roman ?

J.-B. A. - Le vrai héros de ce roman est son héroïne, Viola Orsini. Mimo Vitaliani, le narrateur, ce n’est que moi qui parle de Viola. C’est un roman sur la tyrannie. Tyrannie faite à cette fille brillante, géniale, qu’elle s’impose parfois à elle-même. Une tyrannie protéiforme, tyrannie de l’intime, de la famille, de la société. J’ai naturellement développé cette thématique dans un contexte historique, celui du fascisme et des guerres mondiales. La tyrannie que subit mon héroïne et la tyrannie politique que subit l’Italie sont portées par les mêmes personnes. La tyrannie est toujours le fait des lâches. Le cadre politique est le reflet de l’histoire de Viola.

 

C’est un roman ambitieux, avec beaucoup de personnages et de nombreux rebondissements. Les frères Orsini jouent un rôle déterminant dans les vies de Viola et de Mimo tout en occupant des places de premier plan dans le destin de l’Italie.

J.-B. A. - Je viens du cinéma et je suis allé vers la littérature pour me débarrasser des contraintes techniques et économiques. J’avais envie d’écrire un vrai roman d’aventure qui vous emporte loin et pour longtemps. Avec cette envie sont venus de nombreux personnages et je voulais qu’ils soient tous bien incarnés. Les membres de la famille Orsini sont complexes et ambigus. Viola a trois frères qui vivent tous dans une époque très compliquée où il faut faire des choix, parfois simples et parfois complexes. Je ne veux pas rentrer dans les détails pour ne pas gâcher le plaisir de la lecture mais j’aime tous ces personnages, même les plus sombres d’entre eux.

 

L’un des thèmes fort de votre roman est celui de l’émancipation. Celle de Viola et de Mimo commence par la lecture.

J.-B. A. - C’est effectivement une histoire d’émancipation. Celle d’une femme dans une époque où il est quasiment impossible pour elle de s’émanciper. Je dois à l’Italie d’avoir été mon premier choc esthétique et c’est également le premier pays ou j’ai écrit, adolescent, en ayant conscience du plaisir que j’avais à noircir des pages. S’il y a bien quelque chose dans la vie qui émancipe, qui ouvre, qui libère, ce sont les livres. Ce n’est pas par hasard si, en Floride aujourd’hui, les livres contenant le mot « gay » sont interdits, parce que les livres sont toujours « dangereux » pour un ordre conservateur.

 

Mimo est un apprenti sculpteur sans le sou. Il croise la route de Viola Orsini, benjamine d’une riche et ambitieuse famille italienne. Leur rencontre enracinera un lien qui ne cessera jamais de s’approfondir. Ils devront faire face aux pressions familiales, au fascisme du régime de Mussolini, aux intrigues de toutes sortes. Les vertiges de l’Histoire les feront douter, parfois vaciller, sans jamais parvenir à briser une relation d’une absolue nécessité. Veiller sur elle est un roman extraordinaire de beauté et de force, tant sur le fond que sur la forme. Plein d’aventures et de rebondissements, porté par une des plus admirables héroïnes de la littérature contemporaine, ce livre est déjà incontournable.

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