Littérature française
Marc Durin-Valois
La Dernière Nuit de Claude Eatherly
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Marc Durin-Valois
La Dernière Nuit de Claude Eatherly
Plon
16/08/2012
352 pages, 21 €
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Chronique de
Isabelle Aurousseau-Couriol
Librairie de Paris (Saint-Étienne) -
❤ Lu et conseillé par
5 libraire(s)
- Laurence Behocaray de I.U.T. Carrières sociales, Université (Tours)
- Jean-Luc Aubarbier
- Linda Pommereul de Doucet (Le Mans)
- Marie-Laure Turoche
- Agathe Grandjouan de Bibliothèque pour tous (Nantes)
✒ Isabelle Aurousseau-Couriol
(Librairie de Paris, Saint-Étienne)
Marc Durin-Valois est journaliste et romancier. Il est l’auteur, entre autres, de Chamelle, qui a fait l’objet d’une adaptation au cinéma. Ses sujets de prédilection touchent l’Afrique et les États-Unis. Il nous revient ici avec un roman historique, évoquant un épisode méconnu.
Nous sommes le 11 septembre 1949 au tribunal de Sherman, bourgade inconnue et quelconque du comté de Grayson. Rose Martha Calter, 23 ans, jeune reporter photographe d’une feuille de choux texane, cherche le fait divers qui lui permettra, d’abord de manger, ensuite de sortir de l’anonymat journalistique. Un indicateur lui conseille de suivre le prévenu traduit ce jour-là devant le tribunal, un pompiste ayant provoqué un accident automobile et poursuivi pour délit d’ivresse. Rien de palpitant a priori, mais il s’appelle Claude Eatherly. Ce nom ne vous dit rien. Il a cependant fait partie des vingt meilleurs pilotes américains de la Seconde Guerre mondiale. Oublié par beaucoup, cet homme avait pourtant été choisi pour être le pilote de l’avion de reconnaissance météo qui donna le feu vert au largage de la bombe Little Boy au-dessus d’Hiroshima. En découvrant les premières images de la tragédie, il se sent responsable et sombre dans la culpabilité. Lui, le pilote émérite, le joyeux drille, change brusquement du tout au tout. C’est ce que découvre petit à petit notre journaliste. Elle essaye de comprendre cet homme. Marié à une starlette, père de famille, il finit seul, divorcé. Sa carrière professionnelle est en dents de scie. Il ne se sent pas un héros, à l’inverse de Paul Tibbets, pilote d’Enola Gay et fier d’avoir permis, dit-il, de hâter la fin de la guerre et la reddition du Japon. Non, pour Claude Eatherly, la fin ne justifiera jamais les moyens. Il ne se remettra pas de cette blessure. Régulièrement hôte des tribunaux américains, il passe le reste de sa vie entre hôpitaux psychiatriques et prisons, entre dépressions, tentatives de suicide et activités criminelles minables, une autre façon de disparaître de ce monde en espérant être tué. Bizarrement, ou parce que l’état-major américain a mauvaise conscience, l’ange de l’administration judiciaire le protège, refusant de le poursuivre véritablement. L’ancien soldat ne sera jamais condamné à de véritables peines. Fascinée par Claude Eatherly, Rose Martha Calter s’attache au pas de cet homme. Elle le suit d’année en année dans ses différentes affectations, puis plus difficilement quand le cancer le frappe. Elle recherche des archives, des écrits qu’il aurait laissés, tente de le faire connaître et de mettre en avant un combat qui l’a hanté toute une partie de son existence. Ce roman rend hommage à un homme qui a très tôt lutté contre l’atome et le nucléaire, s’efforçant de sensibiliser ses contemporains contre les armes nucléaires à une époque où elles faisaient l’objet d’un consensus national. Il raconte l’Amérique profonde des Trente Glorieuses tout en abordant un sujet éminemment contemporain. Très en avance sur son temps, Claude Eatherly s’est battu pour ses convictions avec de maigres moyens. Son engagement mérite d’être souligné.