Littérature étrangère

Dimitris Stefanàkis

Film noir

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Chronique de Marie-Laure Turoche

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Après un premier roman remarquable, Jours d’Alexandrie, Dimitris Stefanàkis revient avec Film noir. Dans une intrigue foisonnante, il s’intéresse à Basil Zaharoff, puissant marchand d’armes grec impliqué dans des affaires au moins aussi… historiques que financières.

La première phrase illustre parfaitement le propos du roman : « Le bien existe en nous. Le mal, nous l’inventons par nécessité. » Il s’agit d’une déclaration de Miguel Tharabon, ancien journaliste et anarchiste espagnol. C’est à travers son récit et ses souvenirs que nous allons découvrir la vie de l’homme d’affaires Basil Zaharoff, qui a marqué les années 1880-1930. En parallèle, nous suivons le jeune journaliste Philippe Thébault, qui décide d’écrire l’histoire de ce personnage. C’est à lui que s’adresse Miguel Tharabon. Une belle amitié va naître entre les deux hommes, tandis que plane sur eux la menace de la Seconde Guerre mondiale. Là où Dimitris Stefanàkis est habile, c’est dans sa façon de nous présenter deux versions des actions du anti-héros grec. En effet, nous alternons entre le récit de l’Espagnol et celui de Basil lui-même. Ce procédé permet ainsi de mieux illustrer le côté controversé du personnage. Apparemment, Basil Zaharoff se serait retrouvé au centre des plus grands événements de l’époque : l’affaire Dreyfus, le scandale du canal de Panama ou le déclenchement de la Première Guerre mondiale qui, bien sûr, servait ses intérêts. Il aurait même pris part à l’assassinat de Raspoutine. L’amour n’est pas en reste dans le roman de Dimitris Stefanàkis. La femme de sa vie se nomme Pilar. Il la rencontre à la veille de son mariage avec un prince bourbon atteint de démence. Ils s’aimeront dans l’illégalité durant plusieurs décennies. Par ailleurs, le jeune Philippe entame une liaison avec la fantasque Gisèle. Film noir est un roman fort bien documenté. À travers celui qui était surnommé « l’agent de la mort », nous redécouvrons l’histoire de l’Europe, ses zones d’ombres et la manière dont quelques intrigants, par mégalomanie ou recherche du profit, n’ont pas hésité à attiser les conflits entre nations.

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