Littérature étrangère
Jenni Fagan
Ootlin
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Jenni Fagan
Ootlin
Traduit de l'anglais (Écosse) par Céline Schwaller
Métailié
17/01/2025
368 pages, 23 €
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Chronique de
Maria Ferragu
Librairie Le Passeur de l'Isle (L'Isle-sur-la-Sorgue) - ❤ Lu et conseillé par 12 libraire(s)
✒ Maria Ferragu
(Librairie Le Passeur de l'Isle, L'Isle-sur-la-Sorgue)
Jenni Fagan, autrice inspirée de plusieurs romans, nous revient avec un récit très personnel et introspectif. Ce texte, qui dévoile une partie totalement méconnue de son enfance et de sa vie, est un grand choc littéraire.
Ootlin impressionne d’emblée par sa sincérité et sa force. L’auteure a commencé à écrire vingt ans plus tôt ce qui devait être une longue lettre où elle tenait à expliquer son suicide. Mais finalement la puissance de l’écriture l’a sauvée et lui a donné envie de continuer à écrire. Même s’il lui a fallu plusieurs décennies pour mettre le point final à cette histoire, c’est bien paradoxalement cette lettre qui lui a sauvé la vie. Nous apprenons, dans ce récit, l’enfance dramatique qui fut la sienne. Retirée à sa mère dès la naissance car cette dernière souffrait de graves troubles psychologiques, elle va vivre une enfance ballottée de foyers en familles d’accueil. Adoptée puis « désadoptée », débaptisée, abusée, abîmée, mal-aimée, droguée pour échapper au réel, il lui faudra une grande force de résilience pour survivre dans un monde où l’enfant n’est pas au cœur du système qui est pourtant censé le protéger. Jenni Fagan retrace ainsi sa jeunesse bouleversante et malmenée (dont certains passages sont suffocants pour le lecteur) et réalise une véritable œuvre littéraire portée par une écriture acérée et une forme de recul gagné avec le temps. Le récit n’est jamais misérabiliste mais factuel et précis. Il est aussi une forme de dénonciation d’un système qui doit changer. Dans la deuxième partie du récit, qui gagne en optimisme et en lumière, elle raconte comment elle a su trouver du réconfort dans l’art, la musique ou la littérature, et comment elle a pu y trouver de nouvelles figures tutélaires qui lui ont permis de grandir et de se construire. Il lui aura fallu vingt-trois ans pour raconter cette histoire et donner enfin à entendre sa voix, celle d’une enfant, d’une adolescente, d’une femme qui a choisi de vivre, coûte que coûte.