Bande dessinée

Morvan , Madeleine Riffaud

Madeleine, Résistante

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Chronique de Claire Rémy

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Née en 1924, Madeleine Riffaud est une journaliste, correspondante de guerre et poétesse française. Dans cette superbe BD de Jean-David Morvan et Dominique Bertail, épaulés par le gros travail de recherches d’Éloïse De La Maison, c’est son passé de résistante qu’elle partage avec nous. Une histoire de courage et d’humilité qui force le respect.

Il faut parfois un coup du sort pour lancer un destin. Celui de Madeleine Riffaud tient peut-être à un simple coup de pied aux fesses. Celui qu’elle reçut d’un officier allemand à 16 ans, alors même qu’elle se faisait agresser par des officiers. « Les forces d’occupation devraient toujours penser à une bonne chose : c’est qu’on fabrique beaucoup plus de résistants, de maquisards et de tout ça, par un simple coup de pied au cul que par d’autres choses. » Le ton est donné. Impertinent, en colère et, surtout, résolument insoumis. Madeleine eut droit à une enfance heureuse et rurale, aux côtés de ses parents et de son grand-père dont elle était très proche (son pseudonyme de guerre viendra de lui). C’est au début des années 1940 que les choses s’accélèrent pour elle : elle contracte la tuberculose et aura la chance d’être admise au sein d’un sanatorium dans les Alpes. Mais elle croisera son violeur sur le chemin pour s'y rendre. Marquée au plus profond de son être, humiliée à nouveau, Madeleine, qui a déjà à ce moment-là croisé la route du fameux officier allemand, n’aura plus qu’un objectif : entrer en Résistance, par tous les moyens. C’est au sanatorium que se fera la rencontre qui changera sa vie : celle avec Marcel, jeune médecin secrètement engagé. Il faut dire que le sanatorium où elle est soignée cache en son sein une imprimerie clandestine diffusant des tracts militants. C’est en suivant son amoureux à Paris que Madeleine intégrera enfin un réseau. Constituée en une succession d’épisodes marquants, voire fondateurs de la vie de notre héroïne, cette première partie (sur trois) est à la fois passionnante et bouleversante. Impossible de ne pas déborder d’admiration pour la jeune Madeleine, aux convictions si fortes face à une adversité d’une rare violence. Le jeu de couleurs – noir, blanc et bleu – donne beaucoup de profondeur au très beau trait de Dominique Bertail. Les chapitres sont entrecoupés de vers de la poétesse, comme des bulles de beauté entre deux épisodes tout en tension. Ils appuient magnifiquement le bel hommage rendu à cette femme, dont je vous encourage à visionner les témoignages en vidéo, d’une vivacité folle du haut de ses 97 ans. Le mot de la fin lui revient : « Je ne suis pas un symbole. Je ne suis pas une femme extraordinaire. Ce que j’ai fait, des centaines d’autres, des milliers dans le monde, l’ont fait. Et vous pouvez aussi. » Votre humilité vous honore, chère Madeleine, vous qui êtes une femme que je qualifierais malgré tout d’exceptionnelle.