Bande dessinée

Frédéric Duval

Nymphéas noirs

illustration

Chronique de Claire Rémy

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Adapté du roman culte de Michel Bussi, ces Nymphéas noirs écornent sérieusement l’image d’Épinal de Giverny, carte postale touristique proprette où il fait bon flâner ! Ils deviennent ici le décor d’un huis clos impressionniste et étouffant. Plus qu’une simple adaptation, une vraie réécriture.

En 2001, Michel Bussi publie Nymphéas noirs (Presses de la Cité), un polar à tiroirs acclamé par la critique, les lecteurs et plusieurs fois récompensé depuis. « Mes nymphéas noirs étaient réputés inadaptables en image », nous dit l’auteur en exergue de la BD. C’est pourtant ici chose faite et de belle manière. Pour celles et ceux (comme moi) qui n’auraient pas lu le roman original, reprenons. Dans la douceur et le calme de Giverny, bourg normand et berceau de l’impressionnisme rendu célèbre par Claude Monet, un homme est retrouvé mort dans l’étang. Un coup de couteau en plein cœur, un crâne défoncé et un semblant de noyade : voilà un crime drôlement mis en scène. Le séduisant inspecteur Laurenç Sérénac aura fort à faire avec ce crime trop exagéré pour ne pas avoir de signification. Les indices sont minces mais une intuition tenace le tourne vers le mari de l’institutrice du village, Stéphanie Dupain. Cette institutrice ne le laisse d’ailleurs pas indifférent. Elle semble chercher une issue à son morne quotidien, enfermée dans ce jardin trop parfait qu’est Giverny. Une autre femme a des rêves plus grands que les murs de sa ville : c’est une jeune fille plus exactement, Fanette, férue de peinture et elle-même très douée, reine d’une cour dans laquelle deux garçons se disputent son cœur. Elle ambitionne de vivre de son don et espère que celui-ci lui ouvrira les frontières. Mais comme tous les enfants de son âge, elle n’aime pas trop s’approcher du vieux moulin du village, dans lequel vit une vieille femme, une sorcière dit-on. Personne ne l’approche, personne ne lui parle et pourtant, elle en sait des choses ! Elle en sait même beaucoup sur les autres, notamment sur Stéphanie et Fanette. Surtout, elle sait tout du meurtre. C’est d’ailleurs elle qui nous sert de guide dans ce village idyllique qui, en quelques jours, plonge dans la noirceur. Il faut être honnête : tout, dans cette BD, est réussi. La réécriture de Fred Duval est au cordeau grâce à un savant découpage qui nous emporte immédiatement et nous souffle le chaud et le froid jusqu’au twist final, imparable. Quant au dessin de Didier Cassegrain, tout en peinture et couleurs directes, il nous plonge parfaitement dans l’ambiance lourde et ouatée de l’enquête, dans les différentes branches d’une affaire opaque, sans oublier de rendre hommage à Giverny, sa nature et son illustre Claude. Les nymphéas ouvrent l’album et le referment, comme se referment les quelques jours tumultueux de ce village hors du temps.

 


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