Bande dessinée

Catel , Bocquet

Joséphine Baker

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Chronique de Claire Rémy

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Quatre ans après leur fabuleuse biographie dessinée d’Olympe de Gouges (Casterman), Catel et Bocquet nous font découvrir l’extraordinaire destin de celle que l’on connaît surtout pour son affriolante ceinture de bananes : Joséphine Baker.

C’est en 1906, dans le Missouri, que naît la petite Freda Joséphine McDonald. Ses parents ayant créé un spectacle musical, elle monte sur scène dès ses premiers mois pour n’en redescendre que très épisodiquement. Son enfance n’est pas des plus simples, alternant dès l’âge de 8 ans l’école et un travail de bonne à tout faire chez une riche blanche, où elle est victime de racisme et de maltraitance. Pourtant, quelles que soient les épreuves, la petite Freda garde le sourire et développe très tôt un goût incroyable pour le spectacle et le comique. À 13 ans, elle devient serveuse dans un bar où elle rencontre son premier mari, dont elle se sépare dans la foulée, subissant par là même son premier avortement. Mais cette année est aussi celle de son début de carrière artistique : elle rencontre dans la rue The Jones Family Band, une troupe de musiciens pour laquelle elle danse. Ils se font rapidement remarquer par le directeur d’un théâtre. Première vraie scène pour Freda, qui prend le nom de Joséphine. Tout s’enchaîne alors très vite. En plus de ce spectacle, elle intègre une troupe de danseuses et part rapidement en tournée dans le Sud. À 15 ans, elle fait la connaissance de son second mari qui fait d’elle Madame Baker. Elle garde ce nom de scène toute sa vie malgré une séparation un an plus tard. Joséphine s’ennuie et a des envies de Broadway… Sans tout raconter, sachez juste que Joséphine mène toujours sa vie ainsi : d’opportunités provoquées par un culot et une assurance hors du commun, elle passe de scènes en scènes, d’amants en amantes, et part pour Paris à 19 ans. Elle côtoie les plus grands, est une muse pour beaucoup, devient l’une des plus importantes meneuses de revues de son époque et se montre toujours on ne peut plus en avance sur son temps. D’une générosité incroyable, Joséphine s’engage pour les droits des femmes, mais aussi pour les enfants, joue un rôle au sein de la Résistance par amour pour son pays d’adoption dont elle devient officiellement citoyenne en 1937, et lutte également contre le racisme dont elle a toujours été victime aux États-Unis. Les biographies dessinées de Catel et Bocquet ne sont plus à présenter vu l’importance qu’elles ont dans l’univers de la BD. Avec un ton et une narration qui leur sont propres, ils nous ont déjà entraînés à la suite de Kiki de Montparnasse (que l’on croise avec joie au détour de la vie de Joséphine) et d’Olympe de Gouges (Casterman). Comme un pont avec cette dernière, Catel nous avait régalés en solo d’une biographie de la regrettée Benoîte Groult (Ainsi soit Benoîte Groult, Grasset), ainsi que de l’adaptation du roman de Mylène Demongeot sur sa mère (Dupuis). On retrouve dans cet hommage à la grande Joséphine leur façon si subtile de conter des destins de femmes exceptionnelles. Les noir et blanc de Catel se font plus intenses que d’habitude pour redonner à Joséphine toute sa beauté. Les décors sont si précis qu’on bascule avec une facilité déconcertante du Saint-Louis des années 1900 au Paris des années folles. Loin d’être une simple danseuse, Joséphine Baker était femme au courage et à la volonté immense.