Bande dessinée

Tanquerelle

Racontars d’une expédition polaire

Entretien par Claire Rémy

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De son (vrai) voyage au Groenland avec l’auteur finlandais Jørn Riel, Hervé Tanquerelle tire une histoire fictive pleine de rebondissements et d’humour. Un récit d’aventure dans la plus pure tradition de la BD dite « de 7 à 77 ans », mais aussi une invitation dans la magie des glaces.

En mal d’inspiration, Georges, un auteur de BD, se voit convié à accompagner une expédition scientifique aux côtés de Jørn Freuchen, auteur dont il avait adapté les nouvelles glaciaires quelques années auparavant. Peu aventurier mais se rêvant déjà un destin d’écrivain voyageur, notre héros accepte et va alors connaître bien des mésaventures et des déboires, ainsi que pas mal de satisfactions dans une épopée aux multiples rebondissements et aux personnages croquignolesques. Après avoir adapté avec talent les célèbres racontars de Jørn Riel (trois tomes parus aux éditions Sarbacane), Hervé Tanquerelle nous livre sa propre version de ces historiettes hautes en couleur, en même temps qu’il signe un subtil et brillant hommage à Tintin, tant à travers ses personnages que les situations décrites, et la typographie du texte. Si l’histoire est truffée de références, elle n’en est pas moins immédiatement prenante et accessible à tous, tout en étant servie par un dessin simplement parfait

 

Page — Le point de départ de cet album est l’expédition que vous avez faite avec l’écrivain Jørn Riel au Groenland en 2010. Pourquoi être parti sur une fiction au lieu de faire un carnet de voyage pour lequel vous aviez sans doute pas mal de matière ?
Hervé Tanquerelle — Effectivement, j’avais de la matière, mais somme toute assez superficielle. Je m’explique : j’étais le seul Français durant cette expédition réunissant des artistes et des scientifiques, pour la plupart danois. Ma maîtrise des langues étrangères, assez limitée, m’a empêché d’avoir des conversations de fond avec chacun d’entre eux. Je suis donc revenu de cet incroyable périple avec des images plein la tête (et mes carnets), sans toutefois posséder une histoire réellement pertinente à raconter. J’ai mis tout ça de côté à regret, jusqu’au jour où deux amis bien avisés m’ont encouragé à en faire une fiction. À partir de là, je m’y suis attelé avec enthousiasme, me rendant compte petit à petit que j’étais en train d’écrire à mon tour un racontar arctique à la manière de Jørn Riel.

P. — Difficile de passer à côté des références à l’univers de Tintin, de la page de titre au personnage de Jørn et son amour du whisky, en passant par le nom du bateau, L’Aurora, qui rappelle celui de L’Aurore sur lequel embarque le reporter dans L’Étoile mystérieuse. Pourquoi tant de références à cet univers pour un album qui part de votre expérience personnelle ?
H. T. — Il y a plusieurs raisons à cela. Déjà, j’ai appris la bande dessinée en grande majorité par le biais des aventures de Tintin. Je suis imprégné de cet univers et, depuis longtemps, je portais en moi l’envie de faire un Tintin à ma façon. Ensuite, j’ai toujours trouvé qu’il y avait une parenté entre les personnages de Jørn Riel et ceux d’Hergé, un peu comme des cousins éloignés. Pour finir, tout au long de mon voyage au Groenland, j’ai eu l’impression de vivre une aventure du type de celle dépeinte dans L’Étoile mystérieuse. J’étais entouré de personnalités me rappelant tour à tour Haddock, Tournesol ou, au pire, Carreidas.

P. — On imagine une bonne part de vous dans le caractère du héros, Georges. Comme lui, vous vous verriez bien en « Paul-Émile Victor de la BD ». Ou, au contraire, est-ce que cet album clôt votre travail sur le Groenland et les contrées glacières ?
H. T. — Évidemment, la comparaison à Paul-Émile Victor était juste un moyen de se moquer de mes piètres velléités d’aventurier. Par contre, rien ne dit que j’en ai fini avec le Groenland. J’ai bien l’intention de devenir le Jean Malaurie de la BD...

P. — J’aimerais évoquer aussi le travail magnifique d’Isabelle Merlet, coloriste de cet album. La planche de la page 77 en particulier, une fois le derrick monté sur l’iceberg, est sublime. Vous avez participé à cette colorisation. Lui avez-vous envoyé des photos de votre voyage pour l’inspirer ou a-t-elle eu carte blanche ?
H. T. — Ah ça, sans le talent d’Isabelle, cet album ne serait certainement pas le même, effectivement. C’est vrai que je lui ai envoyé pas mal de photos. Et pour certaines scènes, je tenais vraiment à ce qu’elle s’en approche, notamment pour capter certaines lumières. C’est le cas de celle du derrick ou de l’arrivée sur l’île d’Ella. Mais sinon, je lui ai fait entièrement confiance et je n’ai pas été déçu.

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