Littérature étrangère

Eugenia Almeida

L’Échange

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photo libraire

Chronique de Michel Edo

Librairie Lucioles (Vienne)

Devant un bar, dans une grande ville anonyme, une femme braque un revolver sur un homme. Il n’esquisse aucun geste pour fuir ou la désarmer. Puis elle retourne son arme contre sa poitrine et tire.

Toutes les personnes présentes peuvent témoigner du suicide de cette fille. Mais aucun ne semble se rappeler du visage de l’homme qu’elle visait. Un journaliste dépêché sur les lieux voudrait s’en tenir aux faits, mais une vilaine petite idée lui fait chercher un peu plus loin. Son indic au commissariat lui suggère de ne pas trop en faire pour cette histoire. Quelques jours plus tard, d’ailleurs, le dossier de la femme est récupéré sans trop de discrétion par le genre de flics que les flics n’aiment pas trop. Mais ici on en a tant vu pendant les années de plomb, qu’on ne la ramène pas. La police a appris à ne pas faire de zèle. Le journaliste, lui, s’enferre dans cette histoire qui vire à l’obsession et au jeu de massacre. Plus ses investigations le rapprochent de l’identité de la suicidée, plus les corps s’entassent autour de lui. Qu’a-t-il à gagner à s’acharner sur cette histoire que personne ne veut entendre et que son journal ne voudra pas publier ? En compagnie d’une vieille psychanalyste en retraite, il va, dans une quête suicidaire, gratter cette vieille plaie de la dictature, des exécutions sommaires, des milices policières, pour redonner un nom et une histoire à cette fille. Il ne veut pas d’un grand procès des criminels politiques, l’Argentine en a fait son deuil. Il veut sauver une personne de l’oubli assassin. Il veut, pour une fois, que l’impunité des bourreaux ne l’emporte pas. Du grand roman noir.

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