Littérature étrangère
D.H. Lawrence
L'Amant de Lady Chatterley
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D.H. Lawrence
L'Amant de Lady Chatterley
Sous la direction de Marc Porée, avec la collaboration de Laurent Bury
Gallimard
24/10/2024
69 €
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Chronique de
Michel Edo
Librairie Lucioles (Vienne) -
❤ Lu et conseillé par
7 libraire(s)
- Marie Michaud de Gibert Joseph (Poitiers)
- Michel Edo de Lucioles (Vienne)
- Angie Sarrazin de Le Grand Cercle (Éragny-sur-Oise)
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✒ Michel Edo
(Librairie Lucioles, Vienne)
Cet automne, D. H. Lawrence rejoint les grands noms de la littérature mondiale dans la « Bibliothèque de la Pléiade ». L'auteur de L'Amant de Lady Chatterley, qui aura attisé au cours de sa vie toutes les haines de ses contemporains, prend la place qui lui revient aux côtés de Joyce ou Woolf, celui de grand rénovateur de la fiction moderne.
Marc Porée, dans sa préface à la présente édition, dépeint très justement Lawrence comme l'homme de toutes les contradictions. Misogyne et pudibond, homophobe... en paroles. Tout ce qu'on voudra, mais l'œuvre reste. Et dans ses romans et novellas, ses personnages font preuve de tendresse, de finesse, de subtilité. Les femmes y sont dépeintes avec l'intelligence et la finesse qui est la marque des écrivains qui possèdent cette « androgynie de la pensée » à laquelle aspire Virginia Woolf dans Une chambre à soi. Les amours homosexuelles y sont récurrentes et traitées sans caricature. Lawrence ose tout pour décrire les sentiments, les actes de ses personnages. Bref, il fait preuve, outre de génie, de la plus grande honnêteté intellectuelle qui puisse être. L'Amant de Lady Chatterley restera dans l'imaginaire collectif ce roman jugé pornographique et amoral par l’hypocrite bonne société anglaise. Un roman qui restera sous le coup de la censure jusqu’en 1960. Ses juges n'y ont vu que les ébats sexuels d'une grande bourgeoise et d'un garde-chasse : Lady Chatterley, épouse d'un officier revenu « diminué » de la guerre, soigne son spleen par de grandes balades en forêt. Jeune femme libre, elle s'est disciplinée pour complaire à la norme de sa classe. Un jour, elle rencontre Mellors, garde-chasse, ancien soldat également, dont elle va s'éprendre. Simple, du moins en apparence. Car oui, ce roman parle de sexe et crûment encore, comme cela devrait toujours être lorsqu'il s'agit de décrire deux corps poussés l'un vers l'autre. Mais ce que Lawrence développe surtout ici, c’est son antimilitarisme, sa vision d'une société qui saurait s'émanciper des hypocrisies sociales et, plus que tout, d'hommes et de femmes capables de se libérer de leurs schémas pour être enfin libre d'être, selon leur aspiration. La puissance de la transgression du roman réside dans cette liaison qui transcende l'idée de classe sociale pour ne laisser parler que le désir et, in fine, l'amour. Ce roman incarne la possibilité d'être, homme et femme à égalité, en harmonie avec une nature que l'industrie ne détruit pas, rendue à son état premier d’Éden. Des quelque treize romans et presque autant de nouvelles que Lawrence a laissés, outre ses essais et sa poésie, Marc Porée a choisi de ne conserver pour ce volume que Femmes amoureuses (autre roman qui a suscité l'ire de la censure anglaise et l'admiration de ses pairs) et quatre novellas qui forment un parcours intellectuel dans l'œuvre de l'auteur.