Littérature étrangère

Leonardo Padura

Ouragans tropicaux

illustration

Chronique de Alexandra Villon

Librairie La Madeleine (Lyon)

Après La Transparence du temps, le nouveau roman de Leonardo Padura signe le grand retour de son personnage fétiche, Mario Condé, ex-flic à la soixantaine bien installée, reconverti en libraire d’occasions.

Et c’est à son ancien collègue policier que Mario Conde va ici prêter main forte sur une sordide affaire de meurtre : celui de Reynaldo Quevedo, vieil homme autrefois fonctionnaire culturel au service de la Révolution qui, par l’exercice d’une censure impitoyable, avait brisé la vie de nombreux artistes, tout en mettant la main sur leurs œuvres d’art. Un bon moyen pour lui de devenir un homme riche et puissant mais également détesté par ceux qu’il avait précipités dans la misère. Cette enquête se déroule en 2016, juste avant l’arrivée tant espérée du président Barack Obama, d’un concert des Rolling Stones et d’un défilé Chanel à Cuba. Padura entrelace ce récit contemporain avec une autre enquête qui a lieu à un autre moment charnière de l’Histoire de Cuba : en 1910, juste avant l’arrivée supposée de la comète de Halley, alors que le monde entier se préparait à vivre une sorte de fin du monde. L’inspecteur Arturo Saborit enquête sur le meurtre de plusieurs prostituées dans le quartier de San Isidro où règne une guerre entre deux bandes rivales de proxénètes, français et cubains. Son enquête va le mener à côtoyer le fascinant Alberto Yarini, proxénète et homme politique, véritable figure historique du début du XXe siècle et potentiel candidat à la présidence de la nouvelle République cubaine. Avec un humour noir mordant, une tendresse amusée à l’égard de son personnage de vieux briscard revenu de tout et une intrigue politique finement orchestrée et très prenante qui fait alterner les époques, Padura mêle habilement roman policier et roman historique pour livrer un portrait mélancolique et passionnant de la société cubaine d’hier et d’aujourd’hui, tiraillée entre ses espoirs et ses désillusions, toujours traversée par ces « ouragans tropicaux », remous passagers et inconstants de l’Histoire.

Les autres chroniques du libraire