Littérature française
Sorj Chalandon
L'Enragé
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Sorj Chalandon
L'Enragé
Grasset
16/08/2023
416 pages, 22,50 €
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Chronique de
Marie-Ève Charbonnier
Librairie Paroles (Saint-Mandé) - ❤ Lu et conseillé par 45 libraire(s)
✒ Marie-Ève Charbonnier
(Librairie Paroles, Saint-Mandé)
Reprenant des thématiques qui lui sont chères ‒ la maltraitance, la rédemption ‒, Sorj Chalandon signe ici un roman âpre qui a pour toile de fond la colonie pénitentiaire de Belle-Île.
Octobre 1932-décembre 1942 : ce roman couvre dix ans de la vie de Jules Bonneau, un personnage qui a réellement existé et dont Sorj Chalandon s’empare avec bonheur. Jules a 18 ans quand l’histoire démarre et il est à Haute-Boulogne, dans cette colonie pénitentiaire de Belle-Île où l’on « redresse » les enfants délinquants. Jules, surnommé le Caïd ou encore la Teigne, est sombre, violent ou rêvant de l’être, indigné, révolté. Il ne se laisse pas faire et préfère frapper qu’être frappé. Il faut dire qu’il y a de quoi l’être, indigné. Dès les premières pages, la tension se touche du doigt, les pages brûlent. On est témoin, raconté par la bouche de Jules, des maltraitances physiques, verbales, de la part des gardiens ou des jeunes entre eux. Tout y passe. Alors, certes, on apprenait un métier à ces jeunes (le mot « éduquer » avait son importance, paraît-il), on leur apprenait à devenir fermier ou marin, mais à quel prix ! Une colonie pénitentiaire était un drôle d’endroit pour s’éduquer. (Petit rappel au passage, cette « colonie » a fermé ses portes en 1977, un temps pas si lointain.) Comment Jules Bonneau va-t-il se sauver, s’en sortir ? Ce roman est un livre sur la lumière, sur les failles qui la laisse passer, sur les rencontres, les bonnes et les mauvaises, qui constituent un homme. Un roman sur les bifurcations qui changent une vie. Sur l’espoir et l’humanité. Les facultés d’indignation de Sorj Chalandon sur des thèmes qui lui sont chers, qu’il a déjà abordés, sont intactes. Elles sont même ici renouvelées, empruntant pour ce faire l’histoire d’un autre. Et puis on retrouve sa capacité à raconter, à embarquer dans une histoire, à endosser cette histoire racontée à la première personne. L’encre coule, jamais bavarde, jamais inutile. Impossible de ne pas s’indigner avec lui et de ne pas être touché à son tour.