Littérature étrangère

Timothy Egan

L’Attrapeur d’ombres

CB

✒ Charlène Busalli

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Même sans être un fin connaisseur, il est fort probable que vous ayez déjà vu quelque part l’une des photos au ton sépia d’Edward S. Curtis. Timothy Egan nous propose de découvrir l’homme à l’origine de ces chefs-d’œuvre.

Fils d’un père indigent originaire du Wisconsin, Curtis est autodidacte. Il se fait un nom en tant que photographe de studio avant de devenir célèbre pour son travail sur les Indiens. C’est en photographiant Angeline, la fille du chef indien qui a donné son nom à la ville de Seattle, petite vieille réduite à l’état de loque humaine, qu’il comprend que la photographie pourrait être le dernier témoignage de ce qu’a été la vie de ces peuples avant l’arrivée des Blancs. Il se lance alors dans « l’odyssée la plus vaste, la plus complète et la plus ambitieuse de l’Histoire américaine », véritable course contre la montre dont le résultat constituera les vingt volumes de L’Indien d’Amérique du Nord. Œuvre magistrale, autant d’un point de vue photographique qu’ethnologique, elle a énormément coûté à son auteur. Car, bien qu’il ait eu le soutien du président Theodore Roosevelt et du richissime J. P. Morgan, ce projet faramineux l’a réduit à une vie de vagabondage, ruinant son mariage tout autant que ses finances personnelles. Malgré son succès initial, il terminera sa grande épopée en 1929 dans une indifférence quasi générale, abandonné par un public pour qui les Indiens étaient passés de mode. « L’attrapeur d’ombres », c’est le surnom que lui ont donné ces Indiens, qu’il a non seulement photographiés, mais dont il a également recueilli les histoires et les chants, transcrivant les dernières bribes de langues, et donc de visions du monde, sur le point de disparaître. Dans cette biographie si passionnante qu’elle se dévore comme un roman, Timothy Egan rend hommage à cet homme, dont le travail prend toute son importance à présent que nombre des tribus qu’il a photographiées ont disparu, et que celles qui restent ont, pour la plupart, perdu ce qui fut jadis leur mode de vie traditionnel.

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