Littérature étrangère

John Fante, l’éternel gamin

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✒ Charlène Busalli

Les aficionados français de John Fante attendaient avec impatience la réédition de ses romans épuisés chez 10/18. C’est chose faite pour six titres supplémentaires, grâce aux éditions Christian Bourgois qui viennent de rééditer le deuxième et le troisième volume des œuvres de cet éternel garnement.

Si le premier tome des œuvres de John Fante paru en 2013 contenait trois des romans qui figurent parmi ses plus connus, La Route de Los Angeles, Bandini et Demande à la poussière, les deux volumes qui paraissent aujourd’hui englobent à la fois certains titres notoires et d’autres un peu moins célèbres, mais qui n’en restent pas moins réjouissants. Le deuxième volume, d’abord, est un mélange de textes publiés par John Fante au début de sa carrière et d’œuvres plus tardives. Le Vin de la jeunesse comprend le recueil Dago Red, des nouvelles autobiographiques sur l’enfance avec leurs personnages récurrents de gamins turbulents, du père poseur de briques aux humeurs changeantes et de la Mama adorée, pieuse et prématurément vieillie par d’éreintants travaux ménagers. Dans les nouvelles ultérieures qui accompagnent ce recueil, on retrouve l’empreinte de cette enfance pauvre passée dans le Colorado, baignée par le catholicisme et la double identité italienne et américaine, mais on y voit aussi apparaître Los Angeles, autre décor privilégié des romans de John Fante. Les deux textes suivants, L’Orgie et 1933 fut une mauvaise année, furent publiés de manière posthume par la veuve de l’auteur, Joyce Fante. On s’y délecte de l’humour facétieux de l’écrivain, mais certains des thèmes des nouvelles dévoilent la perte d’une forme d’innocence. Le roman qui clôt ce recueil, Pleins de vie, a pour principaux protagonistes Fante lui-même et son épouse Joyce. Cette histoire drôle et émouvante d’un jeune couple sur le point d’avoir son premier enfant, fut l’unique grand succès de l’écrivain de son vivant – le texte fut adapté au cinéma en 1956. Le troisième volume est constitué quant à lui de trois romans de la maturité, si l’on peut toutefois parler de maturité chez un John Fante qui semble devenir de plus en plus gouailleur au fil des ans. Ce dernier volume s’ouvre sur Mon chien stupide, dont le héros, Henry Molise, est l’alter ego de l’auteur, tout comme l’était Arturo Bandini. Il s’agit à nouveau d’une comédie familiale déjantée, mettant en scène un écrivain et sa femme, qui recueillent un chien un peu timbré. Son arrivée dans la famille coïncidera avec le départ des enfants devenus adultes. Les Compagnons de la grappe – que Francis Ford Coppola aurait adapté au cinéma si le tournage catastrophique d’Apocalypse Now ne l’avait pas obligé à y renoncer – voit Henry Molise rentrer chez ses vieux parents pour calmer une querelle familiale et se retrouver, de fil en aiguille, contraint d’aider son père aviné sur un chantier en pleine montagne. Enfin, le dernier roman, Rêves de Bunker Hill, clôt la saga d’Arturo Bandini et retrace les débuts difficiles de la carrière de scénariste à Hollywood de cet incorrigible coureur de jupons. Que de lectures réjouissantes grâce à l’excellente traduction de Brice Matthieussent, qui restitue à merveille le ton espiègle de ce coquin de John Fante.