Littérature étrangère

José Carlos Somoza

Le Mystère Croatoan

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photo libraire

Chronique de Renaud Layet

Librairie Série B (Toulouse)

On pourrait être tenté de qualifier son dernier roman d’énième « techno-thriller » apocalyptique, mais ce serait bien mal connaître José Carlos Somoza ; s’il s’empare effectivement d’un sujet à la mode, il le traite comme toujours d’une manière inédite.

Qu’il traite de la philosophie platonicienne (La Caverne des idées), de la mécanique quantique (La Théorie des cordes) ou encore des liens étroits entre Shakespeare, la psychiatrie et les tueurs en série (L’Appât), Somoza a toujours su nous surprendre et se renouveler. Débordant d’intelligence sans jamais étaler sa science, il occupe une place résolument à part dans la littérature actuelle, défiant comme beaucoup de ses compatriotes latino-américains les notions de genre et de classement. Et ce Mystère Croatoan le confirme une fois de plus : s’il démarre comme un récit d’épidémie classique, quelque part entre Je suis une légende et 28 jours plus tard, les scènes d’apocalypse glaçantes qui émaillent le récit n’en constituent pas le cœur. C’est ici le rapport à notre animalité qui va intéresser Somoza et notamment la perception que l’on peut avoir de tout ce qui est censé nous séparer du reste du règne animal. C’est donc sur ce sujet et bien d’autres qu’il va nous amener à nous interroger en compagnie d’un petit groupe de survivants qui vont tenter de comprendre les événements qui se déroulent autour d’eux, guidés par le souvenir d’un scientifique qui avait prédit cette incroyable fin du monde. Mais seront-ils prêts à accepter la Vérité ? Et vous ? S’il n’atteint pas les sommets de maîtrise et d’imagination des meilleurs romans de Somoza, Le Mystère Croatoan compense par une intrigue plus resserrée qui évolue rapidement vers un huis clos extrêmement tendu entre des personnages à la psychologie et au passé d’autant plus complexes qu’ils sont étroitement entremêlés. Une excellente porte d’entrée donc, pour tous ceux qui ne connaissent pas encore l’auteur ; quant aux autres, nul doute qu’ils se sont déjà jetés sur son dernier opus !