Essais

Maryse Choisy

Un mois chez les filles

MH

✒ Margaux Henin

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Maryse Choisy n’était pas une femme banale. Culottée et frondeuse, elle fut la première femme à oser le journalisme de terrain. Un mois chez les filles est le résultat littéraire d’une de ses plus célèbres enquêtes.

À une époque où les femmes n’ont pas encore voix au chapitre, Maryse Choisy veut faire entendre ce qu’elle a de plus précieux. Après des études de philosophie et un premier roman, la jeune femme décide de se consacrer à un autre pan de l’écriture, le journalisme. Seulement, la profession, largement monopolisée par les hommes, ne laisse que peu de place à Maryse. Si celle-ci veut percer et se faire un nom, elle doit être meilleure que les hommes, plus ambitieuse, plus révoltée, plus novatrice que ses confrères masculins. Son dessein ? Devenir un Albert Londres féminin. Choisir « de porter la plume dans la plaie ». Sa première grande mission consistera à visiter les claques parisiens. En effet, la prostitution est un thème qui l’a toujours hanté. Elevée par ses tantes, la petite a été très tôt confrontée à ses femmes de mauvaise vie devant lesquelles ses tutrices lui ont appris à détourner les yeux pour ne pas succomber aux vils feux de séduction qu’elles savaient attiser. S’enfermer un mois parmi ses femmes diaboliques, c’est aussi, pour Maryse Choisy, l’occasion de nourrir le secret espoir qu’elle a de voir fermer définitivement les maisons closes. Afin d’alimenter au mieux son reportage, Maryse Choisy veut explorer tous les lieux de prostitution parisienne. De la maison de placement à celle de Ginette, du Sporting au Cosy-Bar, sans oublier le célèbre Chabanais, l’auteure note tout. Si elle veut satisfaire la curiosité de ses futurs lecteurs, elle souhaite surtout dénoncer ce commerce de l’amour et ces femmes qui servent encore de « bétails sexuels ». Ce que l’on retiendra de ce formidable récit d’immersion, ce sont les portraits tendres ou sévères de ces filles de joie. C’est aussi le ton franc et gouailleur d’une femme qui n’a pas hésité à mettre sa vertu en danger.

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