Des lendemains qui chantent

Avant même l’apparition d’Elio, l’attachant héros de cette épopée humaniste et musicale, dès la scène d’ouverture, où l’on assiste à une représentation de l’opéra Rigoletto de Verdi à la salle Favart, en 1935, l’esprit est saisi par une plume vivifiante, fluide et subtile. Dans une chronologie aussi rythmée qu’un bon livret d’opéra (ou une série !), la vie extraordinaire d’Elio Leone est racontée dans un savant désordre temporel. Les allers-retours entre une enfance d’orphelin près de Naples où « ce qui se joue dans le corps malingre d’Elio, derrière ses genoux écorchés et ses ongles rongés, n’a rien à voir avec l’ambition (...) c’est pur instinct de survie » et la vertigineuse ascension vers une célébrité plus pesante qu’elle ne semble, soulignent la délicatesse lumineuse d’un être pour qui l’amour de la musique s’avère être l’objet de tout élan et le talent démesuré le fruit de tout souci. Elio se frotte au monde et aux autres avec l’intensité des êtres doués d’une sensibilité folle. À ses côtés défile une galerie de personnages inoubliables. Tous détiennent une part d’humanité bouleversante et rieuse. Chaque rencontre lui permet d’accéder à sa vérité propre, illuminée par la figure brillamment travaillée de Verdi. Mais sa voix prodigieuse de ténor ne le sauvera pas des affres d’un profond chagrin d’amour ni ne le tiendra éloigné des horreurs de la guerre. Alors que jeune choriste, « le chœur des esclaves, célébré a capella par un village entier de pêcheurs analphabètes » éveille en lui le premier sentiment d’appartenance à une famille, celle des amoureux de la musique, il ignore encore que la pureté de cette ferveur s’avérera déterminante tout au long de son existence. Un roman populaire, noble et élégant, constellé d’émotions intenses, qui pourra (aussi !) ravir les musiciens avertis.