Littérature étrangère
Tove Ditlevsen
Dépendance
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Tove Ditlevsen
Dépendance
Traduit du danois par Christine Berlioz et Laila Flink Thullesen
Globe
17/10/2024
232 pages, 19 €
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Chronique de
Marguerite Martin
Librairie Terre des livres (Lyon) -
❤ Lu et conseillé par
5 libraire(s)
- Aurélie Janssens de Page et Plume (Limoges)
- Valérie Barbe de Au brouillon de culture (Caen)
- Virginie Lannoy de Le Bateau Livre (Lille)
- Didier Devillaz de des Pertuis (Saint-Pierre-d’Oléron)
- Mélanie Giustino de La Mouette Rieuse (Paris)
✒ Marguerite Martin
(Librairie Terre des livres, Lyon)
Dans le troisième volet de l’autobiographie de Tove Divtlesen, autrice danoise majeure, une leçon est donnée à toute tentative d'autofiction à travers le portrait glaçant d’une femme prise dans les affres du mariage et de l’addiction.
Tove a atteint son rêve d’enfant : elle est autrice, reconnue et publiée, mariée. Suivant les conseils de sa mère, elle a choisi son mari avec simplicité, pour sa situation. Il est éditeur, de trente ans son aîné et ne la touche pas. Si elle peut enfin écrire toute la journée, cela reste une activité secrète et quasi honteuse. L’ennui s’installe. Elle divorce et se remarie, avec une déconcertante facilité et une réelle sincérité. Elle devient mère, ce à quoi elle aspirait aussi, en quête d’une normalité qui contrebalance son sentiment d’être à part car obsédée par l’écriture. Elle avorte une première fois ‒ description qui préfigure L'Événement d’Annie Ernaux. Et quand elle tombe à nouveau enceinte, après une étreinte alcoolisée au cours d’une fête, et qu’elle retourne voir le père de cet enfant qui s’avère être médecin, elle se réjouit presque qu’il puisse résoudre le problème lui-même. Elle tombe alors, à la suite d’une unique piqûre d'anesthésiant, dans l’horreur de la dépendance. Elle épouse ce médecin de crainte de manquer de ce produit qui seul lui procure encore plus de plaisir que l’écriture. On assiste alors à une descente aux enfers. Oubliées, dès la première page, nos attentes face à ce que l’on nomme « Mémoires » ! Ici le vertige naît du démembrement de la langue, de l’extra lucidité, de la transe quasi hypnotique qu’éveille la manière frontale de narrer des choix, sans complaisance. La description de la joie mais surtout de la nécessité d’écrire est d’une rare beauté. Ce qui frappe, dans cette manière de se dévoiler, c’est la détermination et le courage à assumer des désirs, celui d’écrire, celui d’aimer ou non, de devenir mère puis de ne pas l’être. C’est comme débarrassée de cette honte qui ne la quittait pas enfant que l’autrice sort, victorieuse, de cet ultime combat.