Littérature étrangère

Stine Pilgaard

Le Pays des phrases courtes

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Chronique de Christelle Chandanson

Librairie Elkar (Bayonne)

Un roman peut vous emporter bien plus longtemps que le temps de sa lecture. Le Pays des phrases courtes est de ceux-là. Venez, abandonnez tout préjugé et laissez-vous porter par le vent de la Baltique.

Imaginez le Danemark, une zone rurale entre Baltique et éoliennes, dans le Nord du Jutland. Une narratrice en apparence excentrique cherche à s’intégrer dans un village où elle, son compagnon et son nouveau-né ont fraîchement débarqué. Seulement, comme si elle arrivait d’un autre pays, elle a du mal à se faire comprendre et à comprendre les habitants. Car ici, à Velling, on ne parle pas de soi, ni des sujets qui dérangent. Non, la conversation est simple et tourne souvent autour des éléments météorologiques et de la bien-pensance. Un peu frustrant pour cette jeune femme malicieuse qui aime avant tout les débats et les échanges passionnés. Elle n’en perd pas pour autant sa verve et son irrésistible humour qui vous fera rire à haute voix. Notre héroïne réussit à placer son bébé dans une crèche. Son nouveau temps libre mérite une occupation digne. Elle s’essaye alors à passer le permis de conduire et prend la charge du courrier des lecteurs dans le journal local. Voilà une nouvelle occasion d’utiliser ses capacités d’observation et ses talents d’oracle aussi incroyables qu’irrésistibles. Elle prend son rôle de rédactrice à cœur et épanche par écrit les conseils que ses voisins ne veulent pas écouter. Ses lettres sont par ailleurs des moments de pure drôlerie, à la fois moralisatrices et défaitistes. L’autrice maîtrise le drame et campe des portraits hauts en couleur. Son personnage est certes maladroit, direct, exubérant mais son attachante honnêteté et ses luttes contre les règles sociales qu’elle considère comme arbitraires et inutiles en font une héroïne. Cette comédie distille un message évident : même si on ne se comprend pas, même si nos préjugés sont importants, on a tous inévitablement besoin des autres. Cet hymne à la tolérance est un pur moment de bonheur littéraire.

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