Essais

Georges Didi-Huberman

La Fabrique des émotions disjointes

photo libraire

Chronique de Lyonel Sasso

Librairie Dialogues (Morlaix)

En 2015, Georges Didi-Huberman recevait le prix Adorno. Cette nouvelle série de « faits d’affects », résultat du montage d’un ensemble de fiches formats A5 que l’essayiste amasse minutieusement, doit beaucoup au philosophe de l’école de Francfort. On pense à Études sur la personnalité autoritaire, notamment dans le chapitre intitulé « Subjuguer: fasciner pour soumettre ». On comprend que l’acte quotidien d’écrire, par le prisme d’un journal intime, nous rend résistant aux passions. On pense à son précédent titre sur Victor Klemperer, Témoin jusqu’au bout. Didi Huberman ne se méfie pas, pour autant, des passions ni des émotions. « Rien ne sert de spéculer sur leur être, car c’est sur le devenir que tout se joue. » Il reprend les pistes d’équilibriste d’un Nietzsche et ses belles pages sur le désir. « Penser mauvais, c’est rendre mauvais », affirmait le philosophe allemand pour qui il fallait rencontrer l’ennemi, avant toute condamnation. Une passionnante mise en perspective sur l’art de nuancer. On retrouve avec bonheur, au fil de la lecture, ce talent de passeur des savoirs qui caractérise si bien Didi-Huberman.

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